Hier peut-être Textes de Michel Ducobu, photographies de Francois Ducobu
édition Taille aux Joncs

Entre hier et aujourd’hui, François Ducobu et Michel Ducobu font de l’instant des moments clés pour autant d’ouvertures à se poser des questions sur la vie, le temps :
« – Lequel envie l’autre ?
– Le vieux, évidemment !
– Pourquoi lui ?
– Cela me paraît évident
– Tu as vu son air ?
– Non, bien sûr
– Il est peut-être très content de ne plus courir, courir, courir… »,
la photo de François montrant en regard du texte de Michel une personne âgée de dos et un jeune joggeur de face.
L’instant oscille ainsi entre présence et solitude, entre cheminements possibles imaginés si le destin avait arrêté l’image qui, en raison du texte, semble en évolution (en scénario), le cerveau du lecteur imaginant autant de scènes possibles.
Les actes sont repris avec brio dans le sens le plus commun de n’importe quel quotidien tandis que se dégage parfois cette impression de solitude ou d’incommunicabilité qui ressemble tellement à notre société avec l’espérance pour motivation :

« – De quoi rêves-tu ?
De la vie que je longe ».

On retient, à la lecture, l’Amour connu sur la durée, des moments parcourus, tandis que les décors successifs, avec parfois des photos révélant des instants complices, servent des dialogues assez brefs mais puissants.
Parfois une expression connue est détournée, à bon escient, avec un seul mot modifié suggérant un environnement très personnel :

« La vie est un long canal tranquille ».

Entre instant et infini, chacun des deux intervenants donne une idée de ce qui peut être vécu ensemble entre générations différentes.
Chaque photo pousse à la réflexion. L’instant y semble détourné alors qu’il s’agit de la vie la plus réelle. On peut parler d’hyperréalisme photographique, le texte étant aussi prenant qu’audacieux avec, par exemple, ce rappel (détourné) du texte de Lamartine ( on l’oublie souvent, mais son beau « lac » évoque une douleur) : « O temps suspends ton viol ! et vous, heures complices, /Retardez votre cours ! /Laissez-nous supporter les torrides supplices Des plus chauds de nos jours ! » avec, en parallèle, une photo d’une lointaine « Ophélie » moderne flottant sur l’eau.

Entre bilan et rétroviseur, « Les feuilles mortes se ramassent à la ligne/ Les hier et les peut-être aussi ».

Patrick Devaux