Isabelle Bary, Zebraska, roman, éd. Luce Wilquin, 2014, 220 pp, 20 €.

zebraskaSerait-ce la clé de son livre, déjà, que nous donne Isabelle Bary à la p.13: Embrasser la quête de toutes les mères: être une maman idéale? Thème apparent, ou thème réel? Car il sera aussi question, beaucoup, et presque à longueur de page, des enfants – d’un enfant surdoué. Oui, je vous entends déjà venir. Toutes les mères croient avoir des enfants surdoués, et les psy les y aident un peu…Mais celui-ci, l’enfant du roman, Mathieu, il est vraiment surdoué. Et en plus, l’affaire se passe dans les années 2040 et quelques. Et le monde s’est pollué de plus en plus, et le garçon ne sait pas ce qui s’est passé entre l’enfance de son père et la sienne. Une question qui, vraiment, pèse sur son destin. Décidément, Isabelle Bary a mis la barre très haut, accumulant les difficultés, non seulement devant ses personnages, mais devant l’auteure elle-même.

Et pourtant, ça passe. Elle passe. Et même avec une certaine allégresse, une joie de vivre qui n’est pas trop sûre d’elle-même, qui a besoin, au début, de s’inspirer de ce que font les autres mères, ses amies. Patate. Ça ne donne rien. Toujours la même vieille histoire: Avant d’apprendre le latin à John, il faut apprendre John. Fi des recettes, des solutions toutes prêtes, cela ne donne rien. La cata. Et John, pardon, Mathieu, qui est fin comme l’ambre, a vite compris.

Mais je ne vais pas tout vous raconter. Il y a le père aussi, bien sûr, qui est là, un peu lointain, mais plein de bonne volonté. Il y a les dessins, car elle dessine. Elle dessine même très bien. Et cela nous vaudra quelques scènes superbes, ainsi, ce face à face, à la fin du livre, avec un tableau de Hopper, une sorte de femme-sphinx. Mais, tiens, dans Hopper, il y a Hope…et n’était-ce pas le héros de son roman précédent, hope? Et puis, peut-être, dans ce roman, l’essentiel, n’est-ce pas, plutôt, l’amour de la mère pour son fils, du fils pour sa mère? Ils en mettent du temps à se trouver, ces deux-là. Un amour qui n’est pas désincarné, purement spirituel: non, le côté physique y tient une grande place, tout ou presque, est dans les gestes, qui parlent souvent plus et mieux que  les mots: une main qui cherche l’autre, qui la serre très fort. Deux lèvres qui se posent sur une tempe. Les larmes, la morve qui coule du nez, un grand désespoir tout noir après que l’on a bien crié. Notre époque est devenue étrangement pudibonde: nous explorons sans la moindre vergogne toutes les complications du sexe, mais nous évitons les sujets brûlants, comme l’amour d’une mère pour son enfant, d’un fils pour son père.

Oui, il y a tout cela, dans ce livre, et bien d’autres choses encore. On pourrait en tirer un recueil de pensées qui ne sont pas toujours zen, mais qui, chaque fois, tapent dans le mille, par leur justesse, leur concision. Non, n’insistez pas, je ne les citerai pas. Et le zèbre? Il n’y a pas de zèbre? Lisez le livre, ce sera beaucoup mieux. Il est écrit con amore e con allegria.

Joseph Bodson