Isabelle Fable , nouvelles Ainsi va la vie ainsi va la mort 129 p, éditions M.E.O. 2024.

Dix-sept nouvelles, une moitié pleine de vie, l’autre inspirée ou marquée par la mort. Un ensemble de textes écrits par une main très habile et dictés par un esprit qui ne cherche pas la facilité, l’ordinaire ou le fait divers accrocheur mais qui se plaît à surprendre, désorienter ou même choquer fermement le lecteur. Mais celui-ci sera sûrement consentant comme je l’ai été moi-même. Résumer les intrigues ou laisser les histoires en suspens serait de mauvais goût. Il faut ici jouer le jeu de la découverte et de la surprise avant de connaître la chute, toujours inattendue, pour en tirer non pas le meilleur profit mais l’usage le plus divertissant. Peut-on prendre du plaisir à fréquenter des personnages laids, accablés de faiblesses ou de fantasmes, violents, cruels ou sadiques, voyeurs ou trop peu armés pour résister à toutes sortes de prédateurs ou manipulateurs ? Assurément, pour autant que le récit soit vraisemblable et fort bien tourné et que le dénouement nous rassure quelque peu sur la vaillance de la vertu confrontée au vice. Et comme la plupart des nouvelles se situent dans un autre temps, plus ancien, moins surveillé que le nôtre, le côté diabolique de certaines aventures ne présente plus le même péril pour le lecteur non averti. Elèves envoûtés par leurs maîtres, religieuses moins prudes qu’elles le devraient, femmes vénales se livrant à des joutes douteuses, épouses infidèles, mauvaises mères ou amantes vengeresses, gamins pervers, séducteurs vaniteux, violeurs de tous poils, la société décrite n’est pas des plus reluisantes mais elle peut compter aussi par bonheur sur de humbles héros, capables de sauver des vies ou de les protéger contre les êtres toxiques qui agissent souvent dans l’ombre ou dans notre propre jardin.
Isabelle Fable a ce don peu courant de nous plonger dans un marais de vies déviantes, douloureuses, scabreuses ou grotesques, tout en tenant le gouvernail de son esquif avec sûreté et conscience. Car il y a une morale qui brille au-delà de ce sombre vivier de la jouissance et du supplice. Au bord de ces eaux troubles et inquiétantes, l’écrivain sait reconnaître les belles natures, les belles âmes, disait-on jadis, auteurs de simples gestes qui sauvent parfois l’humanité.
A lire en se laissant emporter par l’amour de la vie et de l’imaginaire et par le démon séduisant de la littérature d’évasion…Les fleurs du mal offrent un parfum qu’il faut pouvoir humer avec délices sans les laisser se flétrir ensuite dans les vases communicants de notre quotidien…

Michel Ducobu