Jacky Adam, Des moulins et des hommes, tome 9 – Contes et légendes des moulins en Wallonie, tome 2

C’est avec les p’titès rawètes qu’on fait les meilleurs dîners, tout le monde sait ça. Mais ici, notre ami Jacky nous a singulièrement gâtés. Tout es réel ici: la preuve:: bien souvent, il fait appel aux meuniers ou habitants de moulins qu’il a rencontrés au cours  des volumes et des rivières précédentes, pour confirmer ses dires. Et si, par hasard, une histoire de macrales, un miracle d’un saint, vous paraissent exagérés, n’hésitez pas à chercher plus loin: il y a sûrement quelque chose de caché. Comme disait le le laboureur de La Fontaine, travaillez, prenez de la peine, c’est le fond qui manque le moins. Ainsi, quand il vous dit- ou vous chante – qu’à Wèrpin (Dochamps), ne manquez pas de vous y rendre, la nuit de la SaintJean, croix de fer, croix de bois., c’est bien ainsi que ça se passera. Ecoutez plutôt: Tot riv’nant d’ Wèrpin, / Nos riv’nins bon train / Nos fourins surpris / Dè vèy à nos pîds / Dès grandès loumr’otes/ Qui pwèrtint dès cotes / Et dès vîs djupons / Garnis d’tos botons. // (…) XI: Quand ç’ fout po s’ qwiter, / Tot fut ralètché.. / Li Grand Neûr   brôd’la; / Tot l’ monde si sâva: / Lès djon.nes come lès vîhes / Corint t’tavê l’ trihe; / Nos-autes nos-aurins / L’mwèh’nê po pâyemint

(  En revenant de Werpin, / Nous revenions bon train/ Nous fûmes surpris / De voir à nos pieds / De grandes lumières errantes / Qui portaient des jupes / Et de vieux jupons / Garnis de tous boutons.(…) Quand ce fut pour se quitter / Tout fut léché / Le Grand Noir pétarada / Tout le mode se sauva: / Les jeunes comme les vieilles / Couraient partout dans la friche: /Nous autres nous eûmes / Le rhume pour payement.

Vous n’y croyez pas? Eh bien, voici des témoins: Chanson satirique ou paskèye dirigée contre les habitants de Ny (Soy), voisine de Werpin (:Hotton): les gens de Ny sont mécontents, comme ceux de Werpin, d’être appelés des macrales ou sorcières. Nous avons le texte de Louis Banneux, l’Ardenne mystérieuse, 1930, pp.261-264 la mélodie figure aux  pp. 88 et 89 et est due à M.Edmond Serneels, qui l’a pourvue d’une harmonisation.

Mme Françoise Lempereur nota en 1975 une version de dix couplets de M.Charles Poncin de Wéris qui fut corrigée légèrement par des souvenirs de M.Piret, menuisier; autre notation de M.A.Moureeaux dans le Bulletin trimestriel de l’Institut archéologique du Luxembourg d’Arlon, 1933, 4 pp.69 et 70

Roger Pinon (Charleroi 1920 – Embourg 2012) Ainsi chantait le Pays de l’Ourthe, Collection Mémoire, avec l’Histoire Collective de Rossignol.

Il est vrai que l’appartement de Roger Pinon, quai de Rome, à Liège, était à lui seul l’équivalent d’une bibliothèque universitaire, en ce qui concerne le folklore. Il me semble d’ailleurs avoir lu de lui un article sur une vieille chanson liégeoise, En riv’nant d’ Sint Djiles...dont le début pourrait avoir service modèle aux macrales de Werpin (là, je sens que je vais me faire des ennemis…)

Vous ne me croyez toujours pas? En bien, ces macrales de Werpin,, Jacky les a photographiées en page 80.:

Pour les amateurs de sensations fortes, le chapitre intitulé Pauvres sorcières apporte beaucoup d’eau  …au moulin, que ce soit à Waimes, à Villance, au pays de Franchimont,, au Grand-Duché au pays de Couvin ou à Gedinne. Et puis, connaissez-vous l’histoire du cheval de Saint-Hubert? Saviez-vous que l’impératrice Marie-Thérèse avait accordé le privilège aux meuniers domaniaux d’entretenir des pêcheries aux anguilles? Et le feu follet du moulin d’Oeil, à Tintange, qui poursuivait les paysans? Et Moray, le Boeuf noir de Habay? Et le grand bouc de Bilaude? La chanson du Moulin de Céroux? Les coupères de Vielsalm? C’est à un véritable tour de la Wallonie que Jacky Adam nous invite, et il n’hésite pas, quand la prise est bonne, à pousser une pointe en France, en Allemagne ou en Flandre.

Mais le plus grand plaisir pour moi, ce fut de retrouver au fil des citations, des noms qui m’étaient chers, des amis perdus de vue depuis longtemps: Willy Lassance, Benjamin Stassen, Pierre Chariot, Roger Pinon, d’autres encore…On se croirait dans l’une de ces vieilles maisons aux multiples chambres, ou dans un de ces châteaux anglais où dans chaque pièce un habitant du lieu vous attend pour vous raconter un récit qui s’y rapporte. Car c’est cela la qualité essentielle des ouvrages de Jacky Adam, plus encore que sa vaillance au travail et l’étendue de ses recherches: la sympathie, l’empathie même avec laquelle il aborde choses et gens, et ceux du passé tout autant que ceux du présent. Une chaleur humaine, une amitié véritable. C’est pourquoi l’on peut dire que ces deux volumes de Contes et légendes sont là vraiment comme le bouquet traditionnel qui couronne le sommet de la maison, quand les maçons ont fini leur ouvrage.

Merci, mon cher Jacky.

Joseph Bodson