Jacques Goyens,  La France en dix leçons,  Acrodacrolivres,  2014.

 

Pour ceux qui connaissent mal la France ou qui croient bien la connaître, l’ouvrage de Jacques Goyens vient à point. L’auteur a partagé une partie de sa vie entre la Belgique et la France et peut prétendre nous décrire sa seconde patrie sous le moindre aspect. Et il ne s’en prive pas. Situé entre le Guide Michelin et l’essai, l’ouvrage de plus de deux cents pages ratisse large et aborde des domaines très différents : géographie, société, politique, langue, culture, cuisine, amour, humour… Il s’achève par quelques incontournables : la Tour Eiffel, le Solex, le Minitel, Astérix et même la pétanque ! On y apprend ou l’on retrouve soulignées une foule de choses qui font le charme de ce pays chéri des dieux ou qui nous  paraissent au contraire futiles, voire déplaisantes. Cela part de l’esprit si drôle et irrésistible de Raymond Devos, de Pierre Desproges ou d’ Anne Roumanoff jusqu’à la prétention insupportable d’un Rivarol ou au chauvinisme mélodramatique  d’un simple supporter de football ; cela  va aussi de l’art de vivre, du bon goût et de la variété raffinée d’un menu gastronomique à cette tendance trop souvent manifestée chez nos voisins à « rouspéter » sur tout et sur rien et à chercher à tout bout de champ la polémique, particulièrement en politique.  Dans son souci d’être le plus complet possible, Goyens  aborde ainsi tous les sujets, et parfois sous des angles inattendus  : comment accompagner un apéritif, jouer aux boules à la mode provençale, ne pas se faire voler son portefeuille dans un Quick, remonter à la  source de la pointe Bic, décrypter la symbolique sexuelle de la Tour Eiffel, retenir le nombre de prostituées qui ont suivi la huitième croisade, la date de l’ouverture du premier restaurant et de l’inscription du mot dans le Dictionnaire de l’Académie, la signification du sigle ZAPI ou du style paratactique utilisé par de nombreux écrivains hexagonaux contemporains ?  Une mine d’or de renseignements qui a dû coûter à notre auteur de longues heures de recherches en bibliothèque, sur la toile et, bien entendu, sur le terrain, au coin des rues ou sous les platanes de la France profonde.  Par exemple, saviez-vous d’où vient le clivage entre la gauche et la droite, une des plus fameuses inventions françaises ? La différence entre sabrer et sabler le Champagne ? La fonction multiple de la baguette de pain durant le repas principal ? La ville où a été tourné par Truffaut le film préféré de Jacques Goyens ? Et nous en passons des colles, plus surprenantes les unes que les autres ! Reste toutefois la question essentielle soulevée par l’auteur : le Français a-t-il vraiment le droit de se réclamer de l’esprit cartésien ? Le  grand philosophe du XVIIe siècle n’a-t-il pas fui son pays et rédigé ses traités sous l’influence des lumières étrangères ? Le peuple de France aurait-il été incité, par la suite, à raisonner correctement, en grande partie grâce aux dialecticiens de l’Europe du Nord qui lui auraient ouvert la voie ? Voilà bien une question iconoclaste que notre essayiste n’hésite pas à lancer comme un bon petit pavé d’ humour  belge au beau milieu de son ouvrage  et une « leçon », prise cette fois dans un sens plus ironique, que le Français, si chatouilleux et susceptible, ne prendra pas vraiment avec le sourire…

A lire avant, pendant et après les repas, chaque jour, durant votre prochain Tour de France !

 

Michel Ducobu

 

 

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