Jan Nolf, La Force de la justice, Now Future Editions, 2018

 

L’ouvrage s’ouvre sur une note relative au choix du titre français. Pour éviter toute ambigüité, il faut bien distinguer la justice en tant que principe moral de la Justice (avec majuscule) qui désigne l’institution judiciaire. La langue néerlandaise utilise deux mots distincts.

Dans l’introduction, l’auteur nous dévoile le plan de son essai, qui alterne les questions et les prises de position. Celles-ci s’appuient sur son expérience comme juge de paix à Roulers, de 1987 à 2011. La première partie est consacrée aux observations que Jan Nolf a pu collecter au cours de ces années passées à tenter de concilier les points de vue des parties adverses. Déjà on sent poindre l’agacement de l’auteur face à la lourdeur de l’administration judiciaire et à son conservatisme. Bien vite aussi ses convictions se forgent, renforcées par ses lectures. Une thèse est formulée : « La Justice ne peut exister sans la sollicitude » (Virginia Held).

Jan Nolf va encore plus loin en affirmant qu’il faut oser la tendresse. Une telle attitude suppose un changement radical de l’institution : suppression de la barrière matérielle entre les juges et les justiciables, suppression des toges, changement de vocabulaire et des titres qui font référence à l’Ancien Régime et au Code Napoléon. L’auteur se livre à un véritable réquisitoire contre des procédés où le souci de l’équité est absent. Il dénonce « une magistrature narcissique et une idéologie hyper conservatrice, quasi féodale ».

Dans cette deuxième partie, l’auteur aborde les réformes entreprises pendant ces vingt dernières années pour tenter de s’adapter au monde contemporain. Et c’est un constat d’échec. Aucun ministre n’a osé s’attaquer au fond du problème. Les politiques successives ont abouti à compliquer encore le fonctionnement de la machine judiciaire et à créer une justice à deux vitesses : l’une pour les puissants et l’autre pour les citoyens ordinaires. Le corporatisme règne en maître au sein du CSJ, né de la colère populaire au lendemain de la Marche blanche.

La troisième partie comporte trois lettres adressées respectivement à Koen Geens au sujet de la transaction pénale, à Jan Jacob, dont le fils Jonathan est décédé dans un commissariat de police et à son fils Tim à propos des amendes SAC.

La quatrième partie s’intitule La force de la justice. Nous abordons ici une réflexion philosophique sur l’essence même de la justice. Elle s’appuie sur des illustrations littéraires et artistiques : Le Petit Prince de Saint-Exupéry et les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse. À la lumière de son expérience et de nombreux exemples, Jan Nolf expose dans quel sens une Justice bien pensée devrait évoluer pour atteindre l’adéquation parfaite avec la justice. Pour en finir avec une Justice qui sème la mort, qui épuise et affame, comme celle du quatrième cavalier de l’Apocalypse. Démonstration époustouflante où le juriste, le philosophe et le poète se rencontrent en la personne de Jan Nolf, cet homme plein d’humanité qui veut malgré tout rester optimiste.

Jacques Goyens