Jean Baudet – Les + grandes dates de la philosophie – Ed. La Boîte à Pandore – 378 pages – 19,90 €

Avec ce nouvel ouvrage, Jean Baudet nous propose non pas une « histoire de la philosophie » mais une synthèse des grands systèmes suivie de l’exposé des résultats de son propre travail philosophique.

Chaque être humain, à un moment ou l’autre de sa vie, en vient à se poser des questions sur le monde, son origine, sa nature, son but. Et des questions sur l’homme, particulièrement sur sa propre personne : que suis-je, d’où viens-je, où vais-je, pourquoi suis-je là, que dois-je faire ou ne pas faire ? Les questions sont éternelles, les réponses proposées varient. Les premiers à tenter d’en apporter, à côté des mythes et des dogmes religieux, ce sont les philosophes, qui, dès l’Antiquité, se basent sur l’observation et sur le raisonnement pour élaborer des théories. On retrouve, tout au long des réflexions menées par les philosophes au cours des millénaires, deux postulats de base qui s’opposent radicalement : l’un est le monisme, résolument matérialiste, l’autre défend la dualité d’un monde spirituel, idéaliste, en plus du monde matériel perceptible par nos sens. Tous les mythes et toutes les religions appartiennent à ce dernier courant.

Mais aucune des théories proposées, qu’elles soient philosophiques ou religieuses, ne peut être prouvée : ce sont des paroles. Une autre catégorie de chercheurs tente de trouver réponse aux questions : les scientifiques, qui, eux, se basent sur des faits objectifs et non sur des suppositions et extrapolations. L’auteur nous démontre que seule la science, qui utilise des instruments de plus en plus performants pour mesurer les phénomènes et qui offre des possibilités de vérification et de réitération, seule la science est en mesure de donner des réponses sûres.

Mais la science aussi a des lacunes : son défaut est sans doute de perdre la faculté d’avoir une vue d’ensemble des réalités du monde et de l’humain dans ce monde, car la spécialisation des scientifiques les amène à se focaliser sur un élément ou un phénomène particulier, au détriment du tout. Et aux questions les plus essentielles, sur l’éventualité d’entités invisibles, sur l’essence de la nature humaine, sur l’immortalité d’une « âme » survivant au corps, sur l’éventualité d’une autre vie après la mort du corps, personne ne peut apporter de réponse vérifiable, infirmant ou confirmant ces postulats.

Il faut peut-être accepter que l’homme n’est pas en mesure d’embrasser et de comprendre l’Univers, limité qu’il est par ses quelques pauvres sens, même multipliés à l’infini par les avancées scientifiques et technologiques, limité par son intelligence humaine, merveilleuse, certes, mais bien menue face à un infini tout à fait inconcevable pour un être limité par la contrainte espace-temps qui clôture sa vie…

La philosophie – amie de la sagesse – est aussi souvent définie comme la recherche du bonheur, collectif ou individuel, et sur la façon d’obtenir ce bonheur. Les philosophes se sont donc intéressés à la vie de la cité, à la politique, établissant des modèles de société idéale, se sont intéressés aussi au psychisme humain, aux problèmes affectifs, aux désordres ou maladies mentales qui peuvent affecter les individus, éléments de la société.

L’auteur nous fait remarquer cependant combien peu d’hommes (et encore moins de femmes !)  se sont penchés sur les questions existentielles que tout être se pose, combien il y a peu de philosophes et même peu de scientifiques sur les milliards d’individus que compte l’humanité depuis qu’elle s’est mise à « penser ». Il note que le nombre de philosophes et de publications tend à augmenter au XXe siècle mais souligne le peu de nouveauté et la volonté trop souvent présente d’utiliser un vocabulaire abscons pour ne rien dire d’intéressant ! La pensée aurait-elle atteint ses limites ?

En conclusion, l’auteur nous redit que tout ce qui est perceptible par les sens ou par les instruments scientifiques, ce qui est matériel, existe, ce qui n’est nié par personne. Mais, ajoute-t-il, « il est possible, sans nier l’existence de la matière, de poser que cette existence dépend d’une réalité non matérielle, que nous appellerons idéelle. » Il est loisible aussi de penser qu’il existe des êtres « spirituels » invisibles mais présents et intervenant sur le monde matériel.

«. Les trois positions possibles sont donc basées sur le concept d’une rupture ontologique entre matière et esprit : matérialisme, idéalisme, spiritualisme. Pour le matérialisme, l’Etre est formé uniquement de matière ; il n’y a ni dieux, ni démons, ni âmes, et la pensée est une émanation de la matière. Pour l’idéalisme, l’Etre est de nature non matérielle mais il détermine l’existence de la matière. […] Pour le spiritualisme, l’Etre est formé de deux domaines bien distincts, le monde matériel et le monde spirituel. ».

L’auteur a fait son choix parmi les trois propositions et s’en explique en fin de livre. Mais on voit que les réponses sont plurielles… La science elle-même évolue, les choses sont considérées comme vraies jusqu’à démonstration du contraire.

La vérité n’a peut-être pas un seul visage ? Chacun voit la vie à son aune. La vérité de la mouche n’est pas celle de la grenouille, ni celle du pêcheur au bord de l’eau, ou du scientifique qui observe les interactions de ces trois entités dans leur décor… tout en sachant que tout n’est jamais qu’une combinaison d’atomes, d’éléments, de réactions électriques et chimiques… Chaque être conscient a sa vérité, innée, intuitive, reçue ou construite. Peut-être la mort nous éclairera-t-elle quand nous quitterons l’espace-temps ? En attendant, la vie reste mystère et on continue à chercher La Vérité. C’est passionnant.

Le livre de Jean Baudet nous ouvre une voie royale pour évaluer les réflexions menées par d’autres et alimenter les nôtres… sans pour autant se croire obligé de les publier ou de les proclamer vérités universelles.

Un livre qui ouvre sur le monde de la pensée et qui nous invite à réfléchir à notre tour. A lire, sans modération.

 

Isabelle Fable