Jean-Hubert Mabille, Le tableau, roman, éditions du Pantheon, 390 pp, 2018

Je ne sais s’il est encore utile de morigéner Jean-Hubert Mabille à propos de sa prolixité, de son goût immodéré pour les jeux de mots, anagrammes, polyigrammes, et autres contrepèteries…Je ne suis pas certain non plus que cette sorte d’embrouillamini aide le lecteur à pénétrer dans les arcanes de ce polar touffu, embrouillé et tout ruisselant d’ex-cursus à propos desquels je ne suis pas sûr qu’ils puissent servir à aiguiser le sens critique du lecteur…

Il en est bien conscient, d’ailleurs, le fripon, et le relève à diverses reprises. Mais peut-être va-t-il ainsi lancer un nouveau type de polar, le polar labyrinthe, dont on ne sort pas indemne: en terminant le livre, vous aurez le tournis comme ces enfants qui tournent sur eux-mêmes, comme des toupies humaines, avant de s’effondrer, équilibre suspendu. Quant à l’intrigue…il ne s’agit pas d’un tableau noir, bien sûr – ce serait trop simple, mais de faussaires qui ne sont pas de vrais faussaires, ou, si vous voulez, qui font semblant d’être des faussaires. Ce qui ne simplifie pas l’intrigue. Vous apprendrez énormément de choses , en le lisant, y compris des choses que vous aviez oubliées .Cela tient du scrabble, du traité de morale, de l’encyclopédie…Et, comme dans les meilleures pièces de Molière, cela se termine par une reconnaissance: « Je ne suis pas celui que vous croyiez. Ou pas tout à fait. »

.Enfin, en voici un extrait, vous jugerez par vous-même (p.246)::Je vous coupe, commissaire, vous et vos petits jeux de langage à peine risibles et téléphonés, avec toutes ces réminiscences historico-littéraires qui n’intéressent et n’amusent plus personne. Vous n’êtes quand même pas abonné au Mercure de France ni admirateur du policier Bérurier, d’une imagination tordante, mais d’une expression bassement vulgaire.

Alors, qui incriminer? L’inspecteur, ou l’auteur ? Je vous en laisse seul juge. Mais prenez garde: c’est contagieux. J’ai bien failli m’y laisser prendre..

 

Joseph Bodson