Jean-Louis Van Durme, Si frais le souffle de la haine, poèmes, autoédition, 2020

Une rencontre presque fortuite. Des photos en noir et blanc postées sur Facebook accompagnées de quelques lignes poétiques, sur lesquelles on se prend, jour après jour à s’attarder, avec la sensation encore informulée qu’il ne faut pas passer à côté… Voilà comment s’est faite ma découverte des œuvres photographiques et des poèmes de Jean-Louis Van Durme. Depuis, j’ai eu entre mes mains quelques-uns de ses recueils.

Après des années d’études en graphisme et un séjour en Amérique latine et en Asie, il s’est adonné un moment à la peinture et au dessin, avant de se rendre en Grèce (les Cyclades) où il a tenu durant plus de dix ans un atelier d’artiste devenu galerie d’art. Depuis son retour, il y a déjà plusieurs années, il se consacre presque entièrement à l’écriture.

Ce n’est pas un hasard si, dans ses écrits (comme dans ses photographies), il est beaucoup question de départs, de voyages en des lieux que l’on imagine plus ou moins lointains, d’océan, de sable et de désert. L’écriture est sobre, élégante, et l’on navigue toujours entre ciel et terre/ ou mer, entre réalité, rêve et méditation.

Dans « Si frais le souffle de la haine », les pensées poétiques de l’auteur sont entrecoupées de très beaux textes profonds (en italiques), qui font revivre des images anciennes, des sensations, des sentiments et des souvenirs de son long séjour dans les îles Grecques.

A la page 6 :

« Les pierres ignorent ta présence et effacent ton récit.

C’est le mois de juillet, dès le lever du soleil je m’installe sur la terrasse qui entoure la maison. Un café, quelques feuilles de papier et je couche mes premières sensations. De petits poèmes en forme de haïku. J’imagine entrer dans les choses, les appréhender, les concevoir. J’y parle des pierres, de la mer et de cette forte lumière qui écrase tout. Je pense à Hervé Guibert, au drap blanc qui balance dans le vent et crée un passage. Je pense à tout ce que je connais, mais ça ne suffit pas. Je sais que ça ne suffira pas.

Dans les souvenirs les trajets ne sont jamais les mêmes. »

Entre les mots, on devine de la nostalgie pour les années passées dans cette contrée de mer et de lumière, des notes aigües d’angoisse, d’indécision, d’incertitude, « L’île contourne tes désirs, / irrémédiablement. / Ton intuition est celle d’un enfermement. (…) » « Tu ne dis rien et te raccroches à tes indécisions. (…) » On ressent aussi, très fort en dedans, la tristesse d’une séparation. « Je crois que c’est le clair-obscur de son regard qui fit d’abord battre ma poitrine, ses gestes imprécis et la rigidité de sa nuque. Je sens déjà l’odeur de son sang troubler ma vue. Je me sens incapable du moindre déplacement. L’espace entier lui appartient. On quitte les choses en une seconde, ensuite tout se conjugue au passé. Le temps s’en est allé. (…) »

Ensuite, c’est la solitude – cette solitude douloureuse et en même temps si créatrice-, « un vide salutaire, une crevasse amère », et l’on entend venir le regret du départ proche, la mélancolie des adieux.

« La pluie ne cesse de tomber. / Nous attendons l’été, nous attendrons l’été sans bouger. (…) Je mords mon pinceau à pleines dents et cherche un instant, juste un instant, dans un rouge qui foisonne et se joue de mon absence. La pluie ne cessera donc jamais. Le ciel décapite l’azur et mes mots désignent tout, sauf mes blessures. Alors puisqu’il le faut, entraînons-nous à nous noyer. »

Peut-être aussi est-ce le début d’un apaisement ?

« Une saison s’achève, il faut pardonner les mots. / Il est six heures du matin, je ferme la porte de l’atelier et tourne la clé deux fois (…) Le soleil se lève entre les mots, / mon visage se penche sur la quiétude de ce pays ».

Une plume à découvrir et à suivre…

 

Martine Rouhart