Jean-Philippe Querton,Silence Chavée, tu m’ennuies…, éd. Cactus inébtranlable.

Mais non Chavée, continue tu m’intéresses… aurait-on plutôt envie de protester.

L’autodérision n’était pas en reste chez ce poète, avocat de formation ne l’oublions pas, prompt à la répartie !

Il ne faut pas perdre courage quand on découvre qu’on est épiphénomène. Il disait vrai.

Achille Chavée, visage tout en longueur, traits coupés au couteau, front énorme, regard vif.

Son nom à lui seul m’a aussitôt propulsée dans les années soixante, du temps où je ne sais plus chez quel éditeur ou libraire, mon ami Bernard Gilson peut-être – grand admirateur du groupe CoBrA – Pré aux sources, Woluwe, me l’a fait découvrir. Ce que je sais, c’est qu’à l’époque j’achetais la revue Daily-Bul, petit objet jouissif par son contenu, sa présentation, format carré si mes souvenirs sont exacts.

Les années ont passé, le surréalisme a passé, laissant bien entendu de profonds sillons dans la littérature belge. Car outre Achille Chavée le Daily-Bul me fit découvrir d’autres grands artistes :

Pierre Alechinsky, Jean-Michel Folon, Roland Topor, Christrian Dotremont et bien d’autres encore. Autant de figures du surréalisme de l’époque ! Autant de joyeux lurons, de doux farfelus, d’hommes engagés à gauche chantant liberté et révolte, désireux de tordre le cou à la langue et à l’art de tous bords.

 

Achille Chavée, forcené d’une justice plus sociale, n’a jamais cessé de distribuer partout et à toute heure ses aphorismes mordants, drôles, joyeux, provocateurs, blasphémateurs, cyniques…

Aussi sommes-nous reconnaissants à Jean-Philippe Querton, lui aussi passionné de la formule courte, « reflet de la conscience », comme dit A. Stas,  d’avoir ici rassemblé 1031 aphorismes – recension non exhaustive – du poète louviérois.

Les fulgurances de Chavée ont une force de frappe particulière illustrant le personnage, ses modes de penser, de vivre, voire une certaine misogynie. Chacun possède heureusement son potentiel d’irréalisme.

On slalome allègrement d’une impertinence à une autre  Quand on dit « à la rigueur » on est déjà sur le chemin des capitulations ; Quand la vertu transpire, elle dégage l’odeur de la transpiration.

La poésie n’en est pas absente : Il m’arrive de vagabonder avec les sauterelles dans la principauté de l’herbe ni les tautologies : On ne parvient guère à oublier son nom.

L’humour toutefois l’emporte le plus souvent : Il est interdit de stationner au purgatoire ; Je ne suis jamais aussi pur que quand je suis à court d’arguments. Humour noirci à plaisir : Il convient d’apprendre aussi à déguster l’amertume de son destin. Avec ses flèches de lucidité : Il arrive que notre sexe soit un pâle petit voyou…

 Ce recueil d’aphorismes par J.-P. Querton voit le jour à l’occasion de l’anniversaire de la mort du poète le 4 décembre 1969.

En octobre dernier, la maison Losseau à Mons lui rendait hommage. 50 ans ! Un jubilé.

Silence, Chavée, tu m’ennuies, « Un livre à savourer sans modération » invite la quatrième de couverture.

Lecteur, parcourez-le sourire aux lèvres, laissez-vous « prendre » au mode Chavée car… Il faut prendre le taureau par les prolégomènes.

Conservez quelques-uns des aphorismes pour vous… et qui sait trouvez le moment juste pour les resservir.

Les mots ne sont-ils pas à tout le monde.

Franca Doura