JEAN-MARC  CECI,   MONSIEUR  ORIGAMI,  Gallimard, 2016.

Premier roman d’un jeune écrivain belge, publié à Paris chez Gallimard, le fait est assez rare et mérite qu’on s’y intéresse. Roman ? Plutôt un conte écrit comme une suite de brefs dialogues, d’informations et de descriptions à la fois minutieuses et millimétrées et de beaucoup de blancs, de silences, de petites phrases énigmatiques, pudiques ou strictement nécessaires. On l’aura compris : une sorte d’exercice de style, inspiré du haïku, imprégné de philosophie bouddhiste, intensément zen, si l’on peut dire, et tout orienté vers la méditation. Il y a toutefois une histoire étrange qui est racontée et qui sert de prétexte à la réflexion : un jeune homme, Kurogiku, tombe amoureux d’une femme qu’il n’a fait qu’entrevoir et quitte le Japon pour la retrouver. Arrivé en Toscane, il va habiter dans une ruine et mener une vie d’ermite qui va durer quarante ans. Sa seule occupation : fabriquer du washi, du papier artisanal avec lequel il créera des origamis. Un jeune horloger, Caspero, va le rencontrer et confronter avec lui la complexité de son métier qu’il veut pousser à son sommet et l’apparente simplicité de l’art du pliage. De ces conversations très subtiles tout en étant condensées à l’extrême le lecteur tirera des enseignements précieux sur le temps, le travail, la vie, la mort, la guerre, la beauté, l’ici et maintenant… Il comprendra aussi que cet étonnant plieur de papiers blancs s’est replié sur lui-même à défaut d’avoir connu les couleurs et les plis complexes de l’amour…A lire en position zazen, les jambes savamment croisées sur un coussin tout à fait silencieux.

                                                                  Michel Ducobu