Jean-Marie Kajdanski, L’afant dés-iôs, L’enfant des eaux, poèmes, illustrations d’Alain Winance, MicRomania, boulevard Roulier, 1, 6000 Charleroi, 2025, 96 pp.
J’ai lu, et rendu compte, de plusieurs recueils de Jean-Marie Kajdanski, et l’impression, ou l’image dominante, que j’en avais gardée, était celle d’un homme profondément attaché à sa région, à son parler ; mais aussi d’un homme plongé dans la contemplation de la nature, une contemplation qui demande silence et recueillement…
Il y a là cependant autre chose, plus profondément ancré encore, et ce recueil nous en apporte des nouvelles.
Un recueil – un long poème – qui est lui-même un ruisseau, clabotant, débordant, se resserrant, dévastant – et qui est en même temps l’image du monde, avec toutes ses recherches, ses fleurs, ses oiseaux au nom chanteur, ses hôtes de toute sorte. Et l’homme – l’enfant d’abord – qui en suit le rythme au fil des heures et des saisons. Partage sa vie. Ses heurs et ses malheurs. Ses arbres et ses couleurs. Dès la perte des eaux, déjà. Ses heurs et ses malheurs. Ses ombres et ses couleurs.
Le rythme lui-même, ces strophes serrées, ses sonorités qui tantôt s’entrechoquent et tantôt musent et caressent, en incessant écho. Ces mots parfois quasi synonymes, qui s’entrecroisent, se faufilent…
Des paysages sortis des premiers matins du monde, cette sorte d’incessant baptême, d’incessant bonheur/malheur, avec çà et là des accents de fins du monde, et de retour à l’arche…ou bien à l’enfant-Moïse, sauvé des eaux…

Ecoutez- le donc :

« l’iérbe à courtè marone / èsqu’à s’boudène //t’avwas d’jà keusi / tout i-étwat d’jà dit // i-y-a co dèl tiére qu’i cole / à l’sèmèle èd tès sorlèts // ét dés fleûrs dè wyiyot/ i sont co agripèes/ à t’n-èspincére
« tout pa d’zeûr èl bleû /piérché tout oute pa n-in grand solèl//li tout pa d’zous/ muché rosiôs étokés//pwîjète réyô amorçåje //i tint as pichons //afant pus souvint //réveû qu’ pékeû //pus près dés rosîos / qu’du solèl »
« l’herbe en culotte courte/jusqu’au nombril//tu avais déjà choisi/tout était déjà dit / La terre colle encore/ à la semelle de tes chaussures/ et des fleurs de bardane/ sont restées accrochées/ à ton gilet
Au-dessus le bleu/transpercé par un grand soleil/ lui en-dessous/ caché roseaux debout//épuisette filet appâts/il pêche à la ligne//gamin plus souvent/ rêveur que pêcheur/plus près du roseau/ que du soleil. »

Le recueil de Jean-Marie Kajdanski, L’afant dés-iôs, a reçu le prix Emile Lempereur de l’Alliance wallonne de Charleroi pour 2025

Joseph Bodson