Jean-Michel Aubevert – Lettre à un jeune paroissien – Journal d’un retour – éd. Le Coudrier – 245 p. – 18 €

Sous prétexte de donner des conseils à un jeune paroissien, ce livre semble surtout un livre de libération, où l’auteur revisite et revit sa jeunesse tourmentée, brocardant, dans un langage parfois complexe et nébuleux, à la fois sa famille, l’Église, l’école et la Santé Mentale, psychologues et psychiatres, qui loin de l’écouter pour le comprendre, l’ont fait entrer dans des cadres préexistants, susceptibles de convenir à ceux qui incarnaient l’autorité. S’il y avait des problèmes, cela ne pouvait venir que de lui : on traitait ses symptômes, sans remonter aux problèmes des ascendants ou au contexte scolaire. Haldol (médication pour état psychotique aigu), hospitalisation en milieu psychiatrique… Pas de psychothérapie familiale. On traitait les conséquences mais non les causes du mal. Et la souffrance perdurait.

Des parents psychorigides ancrés dans un catholicisme excessif, une mère castratrice, pour qui les « filles » étaient le mal à éviter à tout prix, un père dur ou indifférent, une grand-mère qui le maudit… Premier de classe mais affectivement peu épanoui, en butte aux assiduités d’un enseignant qu’il appelle Monsieur, l’adolescent ne trouve pas de réponse à ses interrogations existentielles non plus qu’à son besoin d’affection et de reconnaissance.

Tout au long du livre, l’auteur revient sur les mêmes thèmes, dont apparemment il a du mal à se défaire. La famille, traumatisante. La sexualité, traumatisée. La « religion du Livre » qui, inexplicablement, voue aux gémonies la Chair par laquelle le Créateur a voulu la transmission de la vie et qui oblige le croyant à des circonvolutions inconciliables entre religion, sentiment et instinct, le grand Sexe tabou toujours en conflit avec l’Âme… créant des générations de névrosés qui s’ignorent. L’auteur souligne bien la distinction à faire entre l’enseignement du Christ et ce que l’Église en a fait.

Outre son effet de catharsis, cet ouvrage offre à un futur lecteur, jeune paroissien, des recommandations pour s’éviter pas mal de soucis, comme celle de « mimer la Foi ». « La religion représente pour vos parents le garant de votre moralité et de votre soumission. […] Zappez la confession. […]  Votre sexualité ne regarde pas le curé. Évitez les psys parce que les difficultés que vous font vos parents, c’est en vous qu’ils en chercheront l’origine, au risque qu’ils construisent ce qu’ils cherchent ». « Respectez les traditions. » » Conformez-vous aux usages. » « Obtempérez plutôt que d’adhérer. » « Visez l’autonomie. » Bref, ne faites pas trop de vagues, sous peine de chavirer.

On pourrait parler d’un récit de vie mais il manque le déroulement chronologique. Il s’agirait plutôt d’un bouillon de vie, que l’auteur nous fait mijoter sous les yeux et où reviennent à terme de temps des événements, des ressentis, des douleurs ou des révoltes, des analyses, des fragments poétiques ou des réflexions sur la vie et ses aléas. Nommons-le « témoignage et suggestions » pour éviter à d’autres ce genre de naufrage. Et saluons cette envie d’être utile.

Isabelle Fable