Jeannine Lemaître, Li P’tit Bobo, ill. de Jeroen Carlier, éd. Li Cwèrneû.Bernard Louis, rue Bois l’Evêque, 13, 5300 Namêche,ou à la librairie La Dérive, Grand’Place, 10, 4500 Huy.

Et vous, y allez-vous souvent, dans vos souvenirs d’enfant? Voici un livre ravissant, plein de fraîcheur et de naïveté. Les personnages y sont remarquablement typés, pittoresques juste ce qu’il faut, et pas plus, les situations on ne peut plus cocasses, les dialogues naturels et percutants…Non, vous ne vous ennuyerez pas, en compagnie de Jeannine Lemaître et de son P’tit Bobo. L’histoire commence dès avant sa naissance, et tous les stades de la vie d’un enfant y sont minutieusement décrits, dans un wallon liégeois plein de verdeur. Vous verrez comment il devient jardinier – jadis et naguère, tous nos petits Wallons faisaient cet apprentissage précoce du jardin, et je me souviens, moi aussi, d’avoir apporté des vers de terre à nos poules, quand mon grand-père bêchait.. il va faire les courses avec sa mère, il rencontre Juliette, notre nouveau Roméo, il apprend à grimper aux arbres (avec l’aide de Juliette, car, à vrai dire, notre Bobo est un peu couillon), il est, comme tous les enfants, attiré par les endroits défendus, il fait l’apprentissage – timide – de la sexualité; enfant de choeur, il ne rate aucun des mauvais tours que ces garnements ont vite fait d’apprendre, et le livre se termine en apothéose par sa communion solennelle.

Les qualités de ce livre, nous l’avons dit, sont éminentes: un parfait naturel, la justesse de ton, la vivacité du récit – les accrochages entre le père et la grand-mère sont finement observés. C’est Bernard Louis qui en a assuré la relecture. Le théâtre de l’action: Fwèrzé (Florzé en français), le village de l’auteur (commune de Sprimont). Voici un simple échantillon, pris sur le vif au moment de la naissance de Bobo. Sa mère, sur le matin a eu les premières douleurs, elle envoie son mari chercher le docteur, appeler sa belle-mère en passant, et bientôt la sage-femme est sur place pour assister Fernande, tandis que le père reste cloué au bas de l’escalier. Cela nous donne le joli tableau que voici:

Didine riyéve di bon coûr tot-z-èwalpant li p’tit cårpê d’vins on grand blanc tchâle qui Catrène aveût tèhî po l’ocâzion. Anfin èle dina l’ poupä a s’mame qu’èl sèra d’vns sès brès’ tot tchoûlant d’ djôye. C’est ç’ tåvlê la qu’ Hinri discovra quand i wèza rintrer èl tchambe ca, tot-z-oyant tchawer s’ feume, il aveût-st-apicî ‘ne téle hisse qu’il aveût d’moré clawé so plèce å pîd dèl montéye. (Didine riait de bon coeur en enveloppant le petit bonhomme dans un grand châle blanc que Catherine avait tricoté pour l’occasion. Enfin elle donna le bébé à sa mère qui le serra dans ses bras .tout en pleurant de joie. C’est ce tableau qu’Henri découvrit quand il osa entrer dans la chambre, car en entendant crier sa femme, il avait attrapé une telle peur qu’il était resté cloué sur place au pied de l’escalier.)

Jeannine Lemaître est née à Florzé le 23 mars 1940, elle a fait des études commerciales jusqu’à l’âge de 19 ans, Elle a eu deux filles et trois garçons. Elle a appris l’orthographe et la grammaire wallonnes avec Marcel Slangen, Elle a aussi fait de la peinture et de la sculpture, a donné des cours de wallon aux enfants et a fréquenté dans une copinerèye François Duysinx, Jean-Denys Boussart et René Chaumont. Elle a écrit pour le théâtre destiné aux enfants, et a reçu en 2017 le prix biennal de la Ville de Liège pour son recueil de poésie Ås tchants di nosse coq.

Joseph Bodson