François Liénard Joyeuse entrée  éditions cfc collection La ville écrite (157 pages, 2024, 18 euros)
Depuis le « Musée de la Guerre » entre « torpilles en papier » où le visiteur peut « sentir le cuir, la chair, la sueur, le sang » jusqu’à la « Gare du Nord où les trains sentent bon la Belga Bleue, la Saint Michel/ Verte ou la Boule Nationale » ou en sens inverse avec d’autres destinations bruxelloises et lieux emblématiques choisis, François Liénard nous propose une « Joyeuse Entrée » avisée avec « Le Roi nouvellement couronné » contemplant « Le blason de la ville, de gueules à saint/ Michel d’or terrassant le démon de sable, bayant (il baye) aux corneilles songeant aux dix-huit/ Autres communes qu’il va devoir encore/ Visiter et toutes ces gaufres à manger, ces/ Gueuzes à boire, ces serments à prêter, les / Essaims de mains à serrer et les kilomètres/De rubans à découper aidé de Sa Reine et/Combien de tours de Babel à grimper… ».
Un étonnant livre mêlant lieux, évènements et époques à la façon d’un journaliste radio qui ne cesserait plus de parler tant toute notre « belgitude » est mélangée, tronquée parfois en habiles surréalismes rappelant de grandes époques ou épopées tandis que certains détails révèlent à la fois une étonnante ambiance, les populations diverses ou un lieu précis : « …/tout ce beau monde est parti du plateau/Du Heysel, a longé le canal, mangé une frite à la/ Porte d’Anvers avant de s’engager dans la rue de/ Laeken, arrêt à la Droguerie du Lion pour faire/ Des emplettes de pigments, de térébenthine et/ D’huile et déboucher place de Brouckère, pour une/ Fois le piétonnier des boulevards aura une utilité… ».
On remarque le style en vers saucissonnés suggérant la marche, la progression et l’oralité pour ces textes à lire également à haute voix.
Avec « Dans les pas de Lemonnier », l’auteur n’oublie pas notre littérature : « La littérature ça se mérite mais le téléphone sonne/Sonne dans le vide, Marcel Moreau, Serge Meurant, Jacques Crikillon, Werner Lambersy, Francis Dannemark et d’autres auteurs », rappelant ainsi leurs disparitions récentes. Comme on le lit, ils ne sont pas tout à fait oubliés. C’est le lot de toute éternité. Le recueil a récemment été  cité parmi les finalistes du « Prix Maurice Carême » 2024.

Patrick Devaux