Arnaud de la Croix, La religion d’Hitler, Racine, 1915, 211 p.
La question est posée dans la première partie : Hitler chrétien ? Et, dès l’abord, on ne peut qu’être interpellé par le mouvement des Chrétiens Allemands (Glaubensbewegung Deutsche Christen) qui tend à réconcilier l’évangélisme orthodoxe et le national-socialisme (l’Alliance des Eglises Evangéliques réunissait 29 Eglises et deux tiers de la population du Reich adhéraient au protestantisme). Toutefois, les limites de cette mouvance apparaissent vite dès lors que l’idéologie du parti se fonde notamment sur la « nature » et le Volk. On y reviendra. Certes, Hitler avait bien l’intention de mettre dans son jeu une église nationale unifiée, de s’en servir, mais il n’en reste pas moins que pour lui le christianisme n’était qu’ « une fable inventée par les Juifs ». Citons ces propos d’Hitler : « Le christianisme a retardé le monde de deux mille ans dans son développement naturel ». On sera par ailleurs attentif aux développements consacrés par l’auteur à la politique des Eglises : notamment mit brennender Sorge (1934) et la Déclaration de Barmen (1934), réaction des Eglises protestantes qui s’en prend aux Chrétiens Allemands, mais sans mettre en cause le national-socialisme.
Alors, païen, le bonhomme ? Pas davantage. Il devait d’ailleurs confirmer à Himmler que le néopaganisme était sans avenir : par question de rétablir le culte de Wotan. Pour Hitler, le Volk est divinisé ( il est éternel) et l’Etat est destiné à assurer son épanouissement. C’est la notion de Volksgemeinschaft qui paraît essentielle. L’auteur consacre d’intéressants développements à l’article 24 du programme du NSDAP : « … Le parti se place dans la perspective d’un christianisme positif, sans être lié à aucune confession déterminée » et il importe de combattre « l’esprit judéo-matérialiste ».
Reste à se poser la question de la religion du maître du troisième Reich. On peut se situer dans le contexte de la thématique de la mort de Dieu, constat qui trouve dans le nazisme une tentative de réponse. On voit consacrer un culte des morts, conceptualisé avec le Blutmythos (mythe du sang), le sang apparaissant comme la semence du nouvel âge de la nation germanique, d’où l’importance de la cérémonie du drapeau du sang (Blutfahne) : en sacrifiant son sang à la patrie, on féconde la race. L’auteur voit dans la consécration des drapeaux l’analogie de la consécration du pain, une sorte de sacrement allemand…… ». C’est que le sang est assimilé à la vie. Le sang, il faut le « préserver pur et en assurer l’éternité ». Dans ce contexte, le Volk est divinisé, éternel, et les héros tombés, transfusant leur sang, vont ressusciter parmi les vivants venant après eux : « ces cadavres revivent littéralement en moi ».
On s’en doute : Hitler apparaît comme un envoyé de la Providence, au service du peuple divinisé qu’il lui importe de sauver. On se gardera de négliger cet aspect essentiel du nazisme, considéré comme religion de la nature :le peuple fait partie de la nature, ce qui compte c’est la loi du combat. Nature et Volk étant substitués à Dieu, va naître un homme nouveau dont le modèle est le SS. On lira avec la plus grande attention les pages consacrées à la religion et la morale SS.
Les pages suivantes sont conscrées aux Juifs , à l’ Islam et au monde arabe. Elles revêtent une criante actualité et le lecteur les parcourra avec une émotion et une crainte certaines.

Arnaud de la Croix nous donne là une remarquable somme, complétée par des notes intéressantes et une bibliographie consistante. Il ne nous tiendra pas rigueur de n’en avoir retenu que les aspects par nous jugés essentiels. A la lecture des différents chapitres, on se rendra notamment compte que cette « religion » rencontre un ancien courant, qui semble inhérent à l’Histoire de l’humanité : le courant apocalyptique ou millénariste. Un livre à consulter, à méditer. Il nous rend conscient que d’anciens démons sont toujours là, qui ne demandent qu’à revenir.

Michel WESTRADE
28 mars 2015