L’air est différent Poèmes de Laurence Skivée éditions La lettre volée (17 euros).

Ecrite au passé simple, cette poésie douce a également le ton de la simplicité dans ce qu’elle dit : gestes d’amour, d’amitié et de partages de vie d’atelier créatif et/ou personnels.
Le ton en est évocateur et narratif rappelant l’instant retenu, le geste qui le détermine avec sans doute une certaine nostalgie mais surtout la conviction d’une présence d’un « nous » rendu assidu avec, en même temps, une sorte de pressante exclusivité : « Nous donnions rarement de nos nouvelles/ Nous avions peu d’amis ».
Il y a un souhait à vouloir faire connaître ce qui, peut-être, n’était pas su : « Nos journées se passaient allongées à jeun/ Nos peaux se touchaient et ça suffisait/ Nous étions heureux/ Nos voisins n’en ont jamais rien su ».
Souvent, alors, dans le présent, l’instant de l’écrit va vouloir mettre des mots aux évènements, aux gestes, sans doute pour que ce passé simple se conjugue aussi en formule éternisée dans l’acte créatif qui, avec peu de choses, va transcender la continuité : « Quelques livres traînaient à peine/ un cure-dent, une plume / Nous avions cette manie de faire le tour des choses/ On en étonna plus d’un/ L’atelier rougissait ». Les instants sont tracés dans le temps. Presque conservés avec délicatesse.
La formule est belle, permanente et douce à vouloir être : « Je t’écrivais les yeux fermés/ Tu me répondais en minuscule ».
Fil conducteur de vie avec y compris les évènements, l’atelier est un être à part entière, l’auteure lui donnant vie : « Nous flottâmes à travers tes signes/ L’atelier pleurait ».
Parfois un extrait de courrier personnel accentue la véracité de ce qui est rapporté : « Plus tard Chloé écrivit : Je suis enceinte de jumeaux. J’ai trouvé une niche Chaussée de Charleroi. Quel vertige ! ».
Le deuil faisant partie de la vie, il est inévitable et constaté comme en faisant partie : « Bientôt l’un de nous mourut. N’étaient restées que les cendres ».
Emerge de l’ensemble une quiétude patience rappelant la lenteur : « A l’abri des regards et des mains/nous étions paisibles/ préservant notre rythme/ cette lenteur ».

Patrick Devaux