Laurence Hesse – Au Paradis, rien ne va plus !  éditions Memory – 193 pages – 18 €

 

Sous le couvert d’une farce irrévérencieuse et parfois un peu sacrilège, Laurence Hesse nous offre une réflexion intéressante sur la (les) morale(s) humaine(s) et sur la (les) religion(s) qui s’en inspirent ou qui en sont sources – au choix, selon vos convictions. Car ce qui se passe au Paradis est étrangement semblable à ce qui se passe sur Terre… Même Jésus et son Père en prennent pour leur grade.

Iris, jeune spécialiste en gestion des relations humaines, se trouve brutalement arrachée à la vie et sollicitée par Dieu le Père pour mettre de l’ordre au Paradis, où les relations entre les différentes catégories de résidents sont entachées de tensions et de problèmes très humains. Elle va s’employer à régler de son mieux les soucis de « la société Paradis », sans comprendre au début l’endroit exact où elle se trouve. Quels sont donc ces problèmes ? Certains saints, trop sollicités par les hommes, sont surchargés de boulot alors que d’autres, tombés en désuétude, ne sont plus invoqués et se trouvent désœuvrés. Et puis, il y a des mesquineries, des  rivalités, des jalousies quant au droit des uns et des autres à se trouver au Paradis. On nous balade entre les martyrs, avec leurs palmes, les ermites stylites, perchés à jamais sur leur colonne de méditation, les saints-nature dans leur caverne, bien proches de nos hippies, et les saints qui ont mené une sainte vie depuis toujours, les repentis après une vie de débauche et les repentis de dernière minute… sans compter les anges, dont les hommes se font une image si fausse et qui se promènent çà et là avec des rôles bien précis. Les chérubins sont loin d’être les bambins joufflus de l’iconographie habituelle.

Iris se trouve aussi confrontée à une série d’épreuves à passer et échappe de peu aux « Saints » Inquisiteurs et à leur panoplie d’instruments d’horreur, de quoi amener une réflexion salutaire sur la notion de sainteté, de bonté ou de simple humanité et sur la Justice de Dieu, qui gère les entrées au Paradis des Justes… Elle peut compter par contre sur la protection indéfectible du brave Saint-Christophe et de Sainte-Natacha, résidente contestée par d’autres saints, qui estiment qu’elle est entrée en Paradis sans y avoir droit.

L’ouvrage est bien documenté sur l’hagiographie et présente de (brèves) citations bibliques avec références en bas de page. L’expérience d’Iris au paradis est originale. Original aussi, ce double rebondissement en fin de parcours, pour nous faire retrouver la rationalité si rassurante. L’œuvre est agréable à lire, légèrement décapante, très vivante, avec quelques longueurs dans les dialogues où, comme dans la vie, on patouille un peu pour s’exprimer.

 

Isabelle Fable