Laurence Skivée Le laveur de vitres récit éditions La lettre volée (192 pages, 21 euros)

Dans ce récit Laurence Skivée ramène  autrui à ses propres vérités, se confondant au mouvement, aux gestes : « Ses gestes appris s’ancrent en moi, suspendu ».
C’est que le « laveur de vitres » a un objectif déterminé à clarifier, purifier peut-être.
La réflexion du vécu se confond avec le mouvement d’un tiers par le biais d’un chiffon tandis qu’une sorte de jouissance de la solitude positive (celle choisie) s’opère avec la lente poussière du temps qui se dépose.
S’opère une maïeutique de l’instant décanté en réflexions avec la prise de conscience du « soleil qui tourne autour de nous » tel l’éternel retour sans toutefois briser le cercle enchanté mis en place.
L’auteure se dit « naturellement inspirée ».
On la croit sur parole…écrite…avec cet instinct inné de pouvoir communiquer presque sans oralité ce qui n’étonnera pas quand on a déjà pu remarquer sa conception spatiale et graphique.
Être admiré sans le savoir ajoute de la beauté à « la main (qui) rayonne alors et fait de lui l’un des laveurs de vitres les plus difficiles à comprendre sous la simple apparence ».
Se dégage de ce « laveur de vitres qui chante » un instant magicien : « Il est passeur, il est une apparition » alors que Laurence, elle, se fait prestidigitatrice des mots.
L’effet forcément transparent avec le frotté du va-et-vient et l’aller-retour du laveur accentue la sensualité de la pensée à se convaincre de l’absolu moment alors que se pose la question essentielle de « vivre (je vis) un (cet) amour en le perdant ».
Partout où passe Laurence se pose, je crois, la question de l’espace où elle se trouve et ce qu’elle y fait.
Contrairement à une apparente nonchalance, c’est au contraire très actif.
Chiffon à la main, la force du vécu révèle un vécu fraternel : « Je comprends à travers le laveur de vitres que ma sœur je l’ai aimée et qu’elle m’a aimée. C’est beau » tandis que le mental résulte parfois de la résonance des pas.
En initiales, un écho répond en italiques : « continuez d’explorer » tandis que les êtres vécus profondément remontent à la Surface : « Oui ; ici ; peu de jours sans oiseau, sans le visage retrouvé de ma sœur, de mon père. Oui, c’est comme ça, avec ou sans écriture ».
Dans ce livre où les mots non utilisés sont pensés à haute voix, la prise de conscience des vécus a plus d’un tour (de chiffon) dans son sac alors que certains mots activent leur contraire : « Quand j’ai fini les mots me quittent. Ils vont vivre avec un autre ».
Effectivement. Et…la lectrice, le lecteur…époussètent à leur tour !

Patrick Devaux