Laurent Robert, Gorgonzola, poème, Le chasseur abstrait, éd.

Un pari, une gageure, que cette biographie, non point romancée, mais versifiée, d’Emile Zola. En tankas, encore bien. Il est vrai que Zolal, avec ses élans, ses petits et grands côtés, son brio qui ressemble parfois à la commedia dell’arte, est à lui seul tout un programme. Pas de quoi en faire un fromage, me direz-vous. Eh bien si, justement. Avec la préparation minutieuse de chacun de ses livres, son attention à tous les domaines de la vie humaine, la science, les beaux-arts, l’argent, les ouvriers, les paysans. Une épopée populaire. Des gens qui lisent peu, ou jamais, le dévorent. Un jour, un ouvrier imprimeur m’a prêté Germinal. Je ne lui ai pas dit que je l’avais déjà lui. Je l’ai relu avec piété, en essayant de me mettre dans la peau du prêteur.

Oui, tout y est, toute une époque. Un selfie, si vous préférez. Même si la science a progressé, même si la société a changé, Zola reste toujours d’actualité. Et le rythme des tankas de Laurent Robert nous le rappelle très exactement, un rythme lent et prononcé à la fois, qui, par sa brieveté même, prend parfois des airs de prière. Oui, comme on récite une prière, ou un chapelet. Ecoutons-le plutôt:

     L’homme Dreyfus
Moins palpitant que la lutte
Que la cause juste
N’importe Emile est prophète
Binocle barbe taillée

     Le chantre a raison
Le verbe affronte les mondes
Injustes et vieux
Les idoles compassées
Les antiques parapets

La construction même des phrases, leur syntaxe rugueuse, et comme taillée à la hache, sujet/verbe/complément, le refus des rejets trop usés, concourent fortement à charpenter le texte.

Bon. Je m’arrête, sans quoi je vais tout vous citer. Il n’y a pas de fausses notes.

Joseph Bodson