Geoffroy Fierens Le printemps prochain à Kharkiv roman, hello éditions (2025, 117 pages, 15 euros)
Le résumé du livre annonce une rencontre entre un veuf, père d’une petite fille et Sophia native de Kharkiv tandis qu’encouragé par un tiers le narrateur cherche l’âme sœur sur Internet. On y parle d’ « identités culturelles qui s’affirment » alors qu’il s’agit, à mon sens, plutôt d’une rencontre où la jeune femme présentée satisfait en continu un luxe ostentatoire au détriment du narrateur ; « Redressée, sa poitrine nue m’invitait à une généreuse distribution de baisers ; je ne m’en privai pas. La géopolitique attendrait que nous finissions de nous aimer. Nous repartîmes de plus belle ;
Je crois que tu es prêt à m’offrir des bijoux, me susurra-t-elle. Quelque chose de glamour, un collier, des boucles d’oreilles…Quelque chose qui me donne vraiment l’impression de t’appartenir.
Son aplomb me fascinait
On verra, on verra…lui répondis- je en riant autant qu’elle ».
On frise là, dans le ton donné, la dépendance affective et/ou matérielle suivant l’angle de vue esquissé dans une histoire entre deux êtres qui pourrait très bien ne pas dépendre de la nationalité ukrainienne de la mannequin proposée au lecteur.
Dans le contexte ce genre d’image de la femme me fait davantage penser aux héroïnes esquissées dans l’œuvre fantastique de Jacques Sternberg.
En guise d’intrigue, les traits un peu forcés de « cette fille inconsistante » peuvent- ils, in fine, mener à quelque secret ou à un aboutissement positif ?
L’Ukrainienne est présentée, je crois, à mille lieux de ce que doivent éprouver, en réalité,( et ici il s’agit bien sûr d’une fiction) les personnes déplacées dans un pays inconnu et pour les causes de guerre bien connues tandis que le luxe ostentatoire ne compense, de fait, pas le manque réel quand l’auteur laisse parler la protagoniste:
« Je ne le fais pas exprès. J’ai besoin de respirer l’air de Kyiv. Mon pays me manque, mes parents aussi, dit-elle des sanglots dans la voix. Je sais que tu crois que je me moque encore de toi. Que pouvais- je opposer à ses arguments ?/…/ Je voudrais revoir mes fleurs, mes voisins, mon appartement, ma salle de bain. Tout est parfait, ici, mais ce n’est pas chez moi ».
De fait, là, on vit dans la triste réalité, avec également ces images trop vues, trop connues : « Ces buildings disaient tout de ce que les Ukrainiens portaient en eux de force inépuisable. Le courage de faire encore et encore, de toujours reconstruire. J’en apprenais aussi sur la façon, dont les monuments étaient recouverts pour éviter les bombardements. Leur identité ne devait, ne pouvait pas mourir ».
La réalité transparaît donc à travers la fiction.
Patrick Devaux