Bernard Caprasse Le testament inattendu éditions Weyrich (2024,289 pages, 18 euros)

En septembre 1993 décède le comte Aymeric d’Autremont. Il laisse officiellement 3 héritiers : Patrick et Benoît d’esprit aristocratique et Juliette, une communiste antibourgeoise.
Son testament va faire des vagues, laissant un pactole à Juliette et à Patrick et Benoît…de quoi subvenir à une retraite à vie financée à l’abbaye d’Orval pour « encourager leur élévation spirituelle », ce qui ne sera pas du goût des deux hommes. Parallèlement aux décisions testamentaires, le défunt a désigné Anton Scarzini comme légataire universel et Maître Diane Capon comme exécuteur testamentaire. Anton se donne alors pour mission de retrouver Olena Kolavenko, l’épouse de Jean d’Autremont, le frère d’Aymeric, disparu, lui, lors d’une bataille lors de la seconde guerre mondiale alors qu’il s’était engagé comme légionnaire dans les Waffen SS. On retrouvera quelques personnages rencontrés dans « Le cahier Orange », le premier roman de l’auteur, notamment Diane Capon, tout l’art de l’auteur consistant à travailler le contexte psychologique des personnages : « Diane dissimula son émotion et se garda d’une folle espérance. Il faisait preuve de politesse, rien de plus. La laisser errer seule dans la ville, après une journée éreintante, eût été une goujaterie. Mais enfin il la troublait depuis le soir où elle l’aperçut dans le jardin de la maison familiale à Renval ».
Sur les traces d’Olena, John Faireman, l’envoyé d’Anton, apprend qu’elle a fait 15 ans de camp et a été libérée en 1956, ceci permettant à Bernard Caprasse d’évoquer la Grande Histoire traçant la saga familiale alors que le poète Chevtchenko est évoqué à plusieurs reprises. Ensuite, Olena raconte la naissance et l’abandon forcé de son fils, ceci rappelant le régime communiste.
Suite aux révélations et le hasard faisant les choses, Anton va-t-il révéler à son ami Myscha, peintre devenu célèbre que sa mère est en vie et n’est autre qu’Olena ?
Brillant orateur à l’occasion, Bernard Caprasse sait également admirablement « raconter » par écrit.
Le personnage de Myscha, enfant adopté entre KGB et Staline, donne l’occasion à l’auteur d’évoquer le statut de l’artiste adulé ou honni suivant les régimes en place.
Progressivement, avec une grande habileté, le romancier lève toutes les intrigues dénouant les passions humaines successives passant de la passion à la convoitise et même au chantage tandis que d’autres secrets doivent encore être révélés : « Dans son bureau l’avocate peinait à se concentrer. Elle se remémorait le tourbillon des jours passés. L’entremêlement des passions, des excès, de beauté créatrice, de moments intenses délivrant du temps l’enchantait et l’inquiétait à la fois, tout comme le génie de Myscha ».
Un des héritiers, Benoît, « rivé à l’appât du gain », résistera-t-il à faire connaître le passé d’Anton lié à Molte, officier nazi évoqué dans « Le cahier orange » tandis que de bienveillants puiseront dans la Bible la citation d’Ezéchiel 18.20 : « Le fils ne supportera pas les conséquences de la faute commise par le père » , citation utile à la réaction ?
Le destin veille et…frappe…jusqu’aux dernières émotions.. C’est ça… lire Bernard Caprasse ! Du grand Art !

Patrick Devaux