LECTURE DE GANZ : « OSCILLATION SI LENTE ENTRE DEUX SOMMEILS »

 

L’amateur éclairé des cimetières s’appelle Xavier Deflorenne. Le poète, Otto Ganz. La mort et le souvenir inscrits dans la pierre, la remémoration intense et fidèle instillent chez cet auteur une poétique de l’extension du domaine de la vie. La répétition de « vivat semper » (ô qu’il soit toujours en vie) frémit comme une bonne trempe affligée à l’affreuse faux qui nous décime. Et le recueil tout entier explore ces vies à sauver de la vanité.

Ganz aime l’anaphore, certes, mais à petites doses et « l’homme que j’ai aimé » figure dans nombre de ces poèmes de ferveur et de résurrection d’entre les mots.

Le titre du volume « Mille gouttes rebondissent sur une vitre » par son aspect un peu anecdotique ne rend pas compte des beautés, des profondeurs du livre, qui vaut lui plus qu’une appellation faiblement poétique car ici explose la vraie poésie d’un vrai poète (quand tant s’affublent du titre) :

il « se sait peu de secours »; « Il faisait chaud/le crêpage du ciel/ puis de l’air tout entier/ secouait l’herbe »; « puisque le gel enrobe/ lorsqu’on ne respire plus »; « Pour cette ivresse/ qui convient au désespoir »; « Un autre/ repose sans tombe/ au ventre d’un fossé/où croissent des ronces » ou encore « l’officier a mis/ ma peur en joue »…

Le poète de l’essentiel, qui ne se soucie que de ce « qui n’est vu/ qu’au creux des paumes », loin du commerce des hommes, célèbre à sa façon une « solitude » qu’on « ne verrouille pas », honore les sommeils profonds où l’être se rejoint, sans apprêts, dans un accueil qui soit, enfin, digne de ses tourments de vivre.

Un grand livre.

Philippe Leuckx

 

Otto GANZ, Mille gouttes rebondissent sur une vitre, l’Arbre paroles, 2015, 62p., 8€.