Verena Hanf , L’Enfer du bocal ,roman, éditions F deville (2023, 160 pages 17 euros).

L’Enfer du bocal, outre le milieu de travail parfois glauque que le roman propose, semble initier une ambiance du comportement des êtres et également au sein de la famille : « Parfois je souhaitais secrètement que Bruno soit comme la majorité de ses camarades de classe, de ses collègues d’études/…/ C’est toujours plus facile de se trouver dans la majorité, dans la moyenne ».
Le roman, sans y toucher directement, sans heurt et avec un ton bon enfant, dénonce en accentuant, en fait, la situation comme avec cet extrait : « Nous avions fui, elle et moi, un vendredi soir, très tard, quand un cri de détresse avait percé le mur, traversé le verre opaque de l’aquarium, un cri féminin, aigu, terrifiant. Nous étions penchés, Sabine et moi, sur des colonnes de chiffres qu’il fallait rassembler avant lundi/…/nous avions feint de ne rien entendre ».
Les personnages sont poussés aux limites de leurs obsessions respectives, de leur « rôle ». Tout se situe, avec un certain brio, dans l’hyperréalisme des caractères et des comportements.
Jacques, « low performer » à qui pèse l’absence de son fils Bruno, aura sa vie bouleversée par l’arrivée d’une nouvelle collègue.
Raconté à la première personne du singulier avec un ton narratif le roman a tout de la crédibilité d’un récit quotidien, le lecteur se laissant prendre au jeu de la romancière. L’Enfer du bocal c’est également la réalité brute d’un semblant de famille organisée avec une oppressante réalité : « Je m’installe à la table de la cuisine. Clara a tout préparé : le café est dans le thermos, l’œuf sous le couvre-œuf, le toast sous la serviette et le jambon sous vide. Les ingrédients du petit-déjeuner sont comme moi : sous couvercle, en attente. Un Bruno fantôme me souffle : En bocal, quel enfer ! ».
Alors qu’un jour Jacques joue au touriste devant la carte d’un restaurant il croise Juliette, sa nouvelle collègue.
La vie va-t-elle secouer le bocal ? Et surtout de quelle façon ? De bout en bout l’intrigue est bien menée. Tandis que celle-ci se dénoue le ton monte…
Comment ne pas penser à « Huis clos » de Jean-Paul Sartre avec la réplique où Garcin dit, à la fin de celle-ci « L’Enfer c’est les Autres » à laquelle la partenaire du rôle répond « Mon Amour ». Sartre avait précisé avoir été mal compris précisant que les Autres sont en nous-mêmes et…c’est certainement le cas dans ce roman tandis que les quelques dialogues sont parfois théâtralisés.

Patrick Devaux