Liliane Schraûwen – Vivement  ce soir… Editions Luce Wilquin – 182 pages – 19 €

Voilà un roman qui se donne des allures de recueil de nouvelles, en ce sens que l’auteur nous relate une journée de Thomas, jeune psy, et que chaque consultation se présente comme un tout qui se suffit, l’évocation de la vie d’une personne en souffrance. Le fil rouge de l’ouvrage, c’est le mal-être  des patients, auxquels Thomas tente d’apporter un soulagement : offrir de l’empathie, tout en se gardant d’un trop de sympathie, afin que la relation reste neutre et professionnelle. Des allures de recueil donc, mais il s’agit bien d’un roman. Ce qui lie les différents éléments, c’est Thomas lui-même, car les cas demeurent présents dans son esprit, s’interpénètrent au long des heures. Thomas se réfère à l’un, à l’autre, à sa propre vie, à sa famille, à la relation d’amour intense qui le lie à sa femme, Alexia, à qui il pense à longueur de journée, avec qui il échange des SMS, qu’il est impatient de retrouver le soir… Conscient que tous ses patients souffrent ou ont souffert d’un manque d’amour, Thomas se dit qu’il a bien de la chance de connaître le bonheur. Mais il sait que, quelles que soient les données, bonnes ou mauvaises, rien jamais n’est assuré pour personne et que le destin a parfois de cruels raccourcis.

Et il analyse, il réfléchit aux chances d’arriver à des solutions pour ceux qui le consultent, que ce soit le cinquantenaire aigri, le garçon souffrant de l’ombre d’un frère décédé, la fille atteinte de troubles obsessionnels compulsifs, la femme victime de violence depuis toujours… Il en a neuf à voir ce lundi, des gens en perdition qui lui tendent la main. Nous les découvrons l’un après l‘autre. Mais la dernière prévue dans l’agenda, Hélène Favereaux, ne viendra pas. Et pourtant, c’est celle que nous connaissons le mieux. Car elle se délivre au fil du livre en un éternel monologue, sorte de journal intime, où elle note pour elle-même toutes ses réflexions à propos de sa vie et étale ses doutes quant à sa relation avec le psy et à l’utilité des consultations.

Le roman est ainsi structuré en deux pans parallèles, offrant en alternance les visites qui se succèdent et le journal d’Hélène Favereaux. L’intérêt suscité par les différents cas, très diversifiés et très bien cernés par l’auteur, retombe un peu dans cet éternel monologue, où Hélène tourne en rond, prisonnière de son désespoir, mais qui illustre si bien l’état d’esprit d’un « malade », qui n’arrive pas à sortir de ses ruminations.

Un livre bien documenté, très vivant, très humain, qui souligne le rôle délicat du psy, ce médecin de l’âme car, si le fonctionnement du corps est complexe, celui de l’âme l’est bien plus encore et rares sont ceux qui échappent aux bleus invisibles que soignent les psys.

Et la fin du roman n’est pas sans rappeler la chute d’une nouvelle, inattendue et bouleversante…

Isabelle Fable