Louis Savary, Jeter l’encre, Les Presses littéraires, 2019.

Claquant comme une devise, ou un drapeau, avec un rien de Baudelaire – un grand soupir, peut-être, à la fin? Savary, philosophe encore, n’hésite pas devant l’antithèse, et saute hardiment l’obstacle, puisque le premier de ces textes nous confie: Ma devise / remonter à la source / des mots / pour une poésie limpide. Serait-ce une application de l’écologie à la littérature? Elle est en tout cas la bienvenue, et il est vrai que Louis ne pèche guère par excès d’ésotérisme, ce serait plutôt nous, lecteurs, qui ne sommes guère attentifs: la poésie s’offre à nous / dans toute sa nudité / nous ne faisons souvent / que lui prêter l’oreille.

Et le voilà parti, En quête de mots:: ma vie de poète / que de nuées d’orages / en quête d’éclaircies. Et les choses, parfois, tournent mal:  j’ai même osé / me provoquer en duel / par amour / pour une poésie rebelle. Ah! La vie d’artiste! Ce n’est pas toujours ce que l’on imagine!  Et il ajoute:  que ma poésie / n’a jamais été un métier / surtout pas un sacerdoce / que l’exercice d’un bénévolat! // Surtout que, bien sûr: j’ai parfois prêché / l’indulgence pour les autres / pour moi / jamais..Et le résultat de ne fait pas attendre: j’ai beau me mordiller la langue / elle ne trouve plus les mots / pour réussir une dernière fois / à rompre le silence, et, pire: ma plus grande illusion: / avoir partagé mes émotions / avec des êtres / qui n’en avaient pas. Résultat encore: quand la couronne de laurier / lui couvre la tête d’épines / le jeune poète peine à croire / que c’est le métier qui rentre.

Et d’ajouter, mi-figue mi-raisin – lui n’a pas peur de dévoiler ses origines, ce qui est, selon moi, une qualité majeure : mais de quel droit / me suis-je mis à écrire / moi qui suis né / entre les pieds de porc / et la tête pressée. Si je puis y ajouter mon grain de sel, je rappellerais volontiers ici le beau livre de Bernard Clavel, L’ouvrier de la nuit, où l’on voit un jeune homme rêver de de devenir un peintre célèbre et pour ce, renier ses parents, simples ouvriers, dont il a honte. Ou bien encore le jeune Guéhenno, dans La maison du peuple, je crois, raconter que, tout jeune encore, il marchait à bonne distance de sa mère, pauvre, pour ne sembler la connaître. Ah! Gloriole, quand tu nous tiens!

Et comment s’étonner, dès lors, si Louis termine par un pied de nez: autodérision / dommage qu’il existe déjà / j’aurais tant voulu l’inventer / ce mot.

Joseph Bodson