Marc Baron Dans le chemin qui s’ouvre, éditions Vagamundo, 2015. Préface de Gilles Baudry.

En aura-t-il foulé des chemins, Marc Baron, poète, coureur de fond, animateur irremplaçable et irremplacé de la lecture au pays de Fougères ! Chemins, au propre et au figuré. A petites enjambées comme au pas de course. Lisières toujours ouvertes sur le quotidien ou sur l’immense. L’œil vif, saisissant « à bras-le-corps » le détail qui fait sens, le ramenant dans sa profondeur lumineuse où coule un fleuve intérieur discret, intarissable. Sa poésie suit les sentiers de crête, s’autorisant les alpages de la métaphysique, cherchant le souffle spirituel, la présence immanente dans le familier et le modeste. Ce fils de paysan venu à la poésie par la racine sait de quoi il parle lorsqu’il écrit :

 Aujourd’hui   le chemin n’est pas loin

Je le sens dans mes mains qui s’ouvrent comme les socs de nos charrues d’enfant

 

Creuse jusqu’au dernier mot que tu trouves et ta route sera là

C’est pourquoi les livres de Baron sont nécessaires, et d’une nécessité qui devrait faire loi en ces temps antipoétiques, où le mot « poésie » désigne n’importe quoi, en ces temps où le vedettariat tue jusqu’à l’âme de certains écrivains.

Ceux de Marc sont intacts et ils pourraient s’intituler « Horizon vertical », même si leur père ne cite jamais Juarroz, dans la mesure où il le rejoint par le mouvement vertical de sa pensée poétique : « j’écris le ciel sur ma route » ou bien « Ma page est tournée vers le ciel », note-t-il simplement.

Le poète répète « aujourd’hui » et, ce disant, il assigne à ce mot la force d’un éternel recommencement. Et le poème se recrée à chaque lecture d’où émane une lumière : « la lumière/c’est le mot qu’il me faut. ». Voilà qui rappelle ses « Poèmes sous la lampe » (L’Harmattan, 2010).

De page en page, les textes courts, ramassés, ont cette force des coups de poing où ne passe nulle violence. Un style décanté. Des images peu abondantes, discrètes et justes. L’auteur s’en convainc : « Mes poèmes je les muscle aussi/avec les poids et les haltères/de l’urgence de vivre ». Oui, et sans tuer leur naturel. Sans décomposer leur silhouette, si bien que la page, gardant visage humain, tend la main au lecteur.

Rares sont les recueils où le poète ne semble pas tricher, même un peu. Ici, il avance au coude-à-coude avec les mots, car « Le jour se fait là où tu es/quand tu acceptes d’où tu viens. »

Et le sens inspiré, porté par l’anaphore, se pare de toutes les couleurs de la vie, « pour ne pas partir en morceaux ». Et si le doute persiste, on le devine porteur de vers qui peuvent avoir « des griffes ».

On n’en finirait pas de parler de ce livre magnifique où l’éternel « veilleur » atteint une justesse exceptionnelle de ton, de pensée et d’émotion. « J’aimerais être une lampe/qui pardonne et qui rassemble », avoue-t-il. Mais il l’est, son livre l’est, ses vers l’attestent ! Et si des mots lui « manquent », ils reviendront par la voie sans « orgueil » ainsi que « des enfants prodigues ».

Ce n’est pas un hasard si Gilles Baudry a signé la préface : les deux hommes se connaissent et s’estiment, mais surtout, leur poésie à tous deux fait signe et sens dans la même direction.

Un mot pour terminer sur les éditions Vagamundo que nous avons eu le bonheur de découvrir et dont nous suivrons avec joie et intérêt le lent et patient travail.

Béatrice Libert

Châtelineau, ce 22 octobre 2015.