Marc Menu, Oxymores subit(e)s, Cactus Inébranlable éditions, (2021, 8 euros)

Gavroche de la poésie, Marc Menu monte toujours un peu aux barricades de la petite provocation littéraire.

S’amusant des mots et du poisson d’avril qu’il peut mettre dans le dos du lecteur, son langage de touche-à-tout se permet, si j’ose dire, tous les courts-circuits :

« Coup de chance/ Ce dix mars j’ai trouvé un trèfle à quatre feuilles. Le printemps va être électrique (extrait du journal de Claude François, 1978) ».

A la première lecture, on se marre ; à la deuxième on se demande comment il a osé et on finit par se dire qu’il s’agit de la liberté d’expression poussée à son paroxysme.

Qui le connait bien sait que Marc est naturel dans « la vraie vie ». En réalité, c’est un écorché vif qui offre volontiers le tranchant du couteau à ses possibles détracteurs, prenant à contrepied l’idée générale qu’on peut se faire de la société :

« Egalité/ Désormais, par un souci d’égalité qui m’honore, je ne cède plus ma place aux femmes dans le bus ». On comprend bien sa fausse goujaterie…

Avec son spectacle personnel écrit dans la vie de tous les jours, on peut songer à feu l’humoriste Pierre Desproges ( dixit : « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute »).

Acquis au monde des artistes, Marc Menu sait les évoquer en douce :

« D’un grain de sable à l’autre, le sablier se remplit. Et en se remplissant, je vous jure qu’il crie le sablier. Et il pisse comme je pleure, ces secondes qui ne reviendront pas ».

Cette dernière évocation, comme d’autres, rend en réalité le propos sérieux.

Marc Menu joue au billard avec les mots ; quand il frappe une boule blanche, elle arrive rouge quand elle tombe dans le panier du lecteur. C’est là tout l’art de la suggestion et du sous-entendu convenu culturellement parlant.

Notre La Rochefoucauld du XXIème siècle a de beaux jours littéraires devant lui. À l’instar de ce dernier, il eut pu dire : « Ce n’est pas assez d’avoir de grandes qualités ; il en faut avoir l’économie » (ex Les réflexions ou sentences et maximes morales de 1665). En effet, sa prose courte, dense avec aussi un certain sens de l’oralité fait mouche à tous les coups et suggère, la plupart du temps, une réflexion de bon aloi …ou non.

Sans doute ce petit raccourci de temps plaira-t-il à son…menu !

Patrick Devaux