Marc Vandecappelle, Le tram de la mer du nord, Nantes, Amalthée, 2017, 192 p. (18,90 €)

Un polar dédié à la psychologie

Titre et texte de la quatrième de couverture évoquent, en Belgique, un tragique enlèvement lié à l’affaire Dutroux en 1995. En réalité, ce n’est que prétexte anecdotique : il s’agit ici d’un roman. Il se construit donc selon les nécessités du récit et non de la chronologie d’un fait divers de toute façon fictif.

C’est autour du tram que tout (si on peut dire) se trame. Ce moyen de locomotion est, à sa manière, un objet qui reste récurrent à travers toute l’intrigue. Il est associé à I ‘ascension sociale d’une descendance, aux déplacements de villégiature et de transports quotidiens aussi bien que décor extérieur d’un enlèvement sordide et de vengeances liées à « une généalogie familiale délirante ».

La fiction démarre sur l’escapade de deux adolescentes, elle s’élabore autour de personnages liés à une lignée généalogique « pour reconstituer ce qui tient des fondements du mythe familial », c’est-à-dire un clan fondé autour de l’un ou l’autre secret soigneusement tu, le silence étant « une matière, sinon une compétence, qui appartient au programme familial ».

Le livre « est le produit de plusieurs histoires entremêlées ». L’écrivain procède de façon que « toutes les pièces du puzzle s’assemblent » révélant peu à peu la personnalité des protagonistes, ce qui les oppose et ce qui les unit. Il s’efforce d‘user de « méthodes capables de proposer des portraits psychologiques à partir de types de comportements en étant dispensé de se fourvoyer dans la spéculation et l’intuition ». Ces dernières étant laissées au lecteur. Lui, auteur, se réservant le droit de porter jugement sur une société d’après mai 68 et sur un milieu bourgeois ou parvenu. Au point que, influencé par ses fonctions originelles de psychanalyste et de médiateur-négociateur, « professoral, il (nous) explique ».

S’il y a périodiquement l’intervention d’un personnage narrateur à la première personne du singulier, la présence invisible de l’écrivain narrateur omnipotent est majoritaire. Ce qui permet, précisément, de tracer des portraits ou de décortiquer des situations, de confronter des théories sociologiques ou psychologiques éclairant les comportements. L’action s’en trouve certes ralentie, sauf vers la fin où le tempo s’accélère, mais c’est au profit d’une perception davantage en profondeur.

L’auteur profite de son intrigue pour glisser çà et là des éléments documentaires à propos de la côte belge et de la culture nationale : la peinture de Permeke, Stevens, Ensor, Khnopff, Spilliaert, Magritte, Delvaux, Broodthaers… ; les chansons de Ferré Grignard, de dEus ou Stromae ; des écrivains tels Eekhoud, Verhaeren, Maeterlinck, Ghelderode, Hugo Claus ; les cinéastes Henri Storck et Jan Bucquoy ; les bières comme la Westvleteren ou la banale pils, des allusions à Tintin, au bédéiste Marc Sleen ainsi qu’aux coureurs cyclistes Briek Schootte ou Pollentier et même au champion de billard Raymond Ceulemans. Le folklore n’est oublié puisque le Bal du Rat Mort ou le Kloeffenworp appartiennent à l’ambiance locale. Attrait supplémentaire pour les étrangers qui ne connaissent guère la Belgique et pour les autochtones qui ont tendance à méconnaître ce qui constitue leur spécificité.

Michel Voiturier