Marcel Procureur, Face au mur, Acrodacrolivres, 2019

Avec ce Face au mur, Marcel Procureur nous fait vivre les mois qui ont précédé la chute du mur de Berlin, comme si nous y étions. Les premiers chapitres mettent en place les éléments essentiels de l’intrigue : les principaux personnages et la situation politique du Berlin de 1989, où deux idéologies s’affrontent. À l’Est, le pouvoir d’obédience communiste s’impose par la terreur et la censure. Or, depuis plusieurs années, le vent de liberté venu d’Occident insuffle à la population l’espoir d’un autre mode de vie.

À partir de là, Marcel procureur a construit une intrigue solide, émaillée de multiples rebondissements. Au cœur de cette histoire, la famille Schonberg vit modestement à Berlin-Est. Le fils Karl, étudiant en économie, se dressera peu à peu contre le diktat des dirigeants pour devenir un acteur de la contestation. D’autres personnages viennent s’ajouter au gré d’une intrigue parfaitement maîtrisée. L’atmosphère de suspicion est très bien rendue ; les moyens de surveillance mis en œuvre par la Stasi, la répression vis-à-vis de ceux qui s’insurgent ou tentent de s’échapper en franchissant le mur, tout cela est bien montré au travers de dialogues ou de notations narratives : Votre sonate, d’un compositeur proscrit par le régime, était une vague rêverie populaire, une incitation à une réminiscence des valeurs décadentes qui corrompent encore et toujours Berlin-Est.

Le récit conduit le lecteur vers un dénouement inattendu, d’une intensité dramatique forte, suivi d’un apaisement consécutif à la chute du mur. Quelques scènes sont d’un réalisme insoutenable, par exemple la vengeance d’un homme dont le frère a été assassiné par la Stasi. Cependant l’auteur a voulu compenser cette dureté en introduisant une intrigue amoureuse entre Karl et Monika, une charmante pianiste. Lorsqu’ils se rendent au cinéma, c’est pour assister à la projection de « Quand passent les cigognes » de Mikhaïl Kalatozof, film soviétique qui dénonce l’absurdité et les malheurs de la guerre.

Il faut aussi souligner les qualités littéraires de ce roman. Marcel Procureur a le souci de décrire les lieux qui servent de cadre à l’action : Il localisa l’antre de Stretfel. Fébrilement, il introduisit la clé dans la serrure. Le battant grinça sur une pièce basse, aux murs lézardés, sentant l’humidité, à peine éclairée par une étroite fenêtre triste et solitaire, et qui implorait, à travers ses barreaux, la lumière d’un parc voisin. L’auteur utilise aussi la technique des récits croisés : deux événements sont racontés en alternance, comme cela se fait au cinéma ou dans les fictions télévisées. Ainsi au chapitre 23, la séance de cinéma se déroule en parallèle avec l’évasion de Thomas par le pont de la Spree.

Face au mur est le troisième roman de Marcel Procureur.

Jacques Goyens