Marie Berré, Les miroirs de Bomarzo, Les Editions du Panthéon, 2016

Les miroirs de Bomarzo est un roman protéiforme, à l’image de ce dieu de la mythologie antique, capable de revêtir plusieurs apparences. L’intrigue se développe autour de deux registres temporels, l’un contemporain, l’autre à la fin du XVe siècle. La préparation d’une émission de téléréalité sert de prétexte au séjour de Cassandre à Bomarzo, petite cité du Latium, près de Viterbe. Là se situent les magnifiques jardins aménagés par Orso Orsini, duc de Bassanello, apparenté à Rodrigo Borgia.

Cassandre, jeune femme moderne, est douée d’un sixième sens. Au cours de ses promenades dans le parc, elle dialogue avec les Sphinx – que Marie Berré transforme en Sphinges – et elle communie de la sorte avec le drame qui s’est joué cinq siècles plus tôt dans ces lieux chargés de mystère. En effet, Orso Orsini, borgne, épouse la belle Giulia Farnèse, qui deviendra la maîtresse de Rodrigo Borgia, élu pape en 1492 sous le nom d’Alexandre VI. Les sculptures taillées par Giacomo dans les jardins de Bomarzo traduiront les souffrances du mari cocu et la malédiction qui pèse sur lui.

Tout au long du roman le lecteur passe d’une époque à l’autre. Aux préoccupations temporelles, mœurs dissolues et intrigues de cour de la papauté font écho les dérives du monde moderne, bien illustrées par les émissions de téléréalité, où règnent la bêtise et le superficiel. Marie Berré ose, par personnages interposés, un plaidoyer pour l’émancipation de la femme et la liberté de pensée. Elle parsème son récit de références artistiques et littéraires. Elle clôt son roman par l’évocation d’un véritable art de vivre : Cassandre, retirée dans un mas des Alpilles, vit seule et libre, toujours à la recherche du sens ultime de la vie : Nous sommes au cœur d’un sortilège qui a pour nom : l’éphémère.

L’auteur maîtrise parfaitement son intrigue, alternant descriptions et dialogues. Associant histoire et réalité contemporaine, elle tient son lecteur en haleine et lui donne à réfléchir sur la condition humaine.

Jacques Goyens