Marie Bruyns – Fenêtres sur cœurs – éd. Traverse – 167 pages – 16 €

Si l’on devait qualifier d’un seul mot ce recueil de nouvelles, on pourrait dire : authentique. Non que les nouvelles soient revendiquées comme vécues ou véridiques mais elles sonnent juste et elles donnent une impression de ressenti et d’empathie avec les personnages mis en scène. L’auteur a l’art de nous immerger dans la vie, la vraie vie, avec ses aléas, ses bonheurs, ses douleurs et parfois ses horreurs. Marie Bruyns a une approche simple, humaniste et généreuse, ce qui n’est pas étonnant quand on connaît son parcours : médecin à Oran, gynécologue à Bruxelles et médecin humanitaire depuis 1994, elle en connaît un bout sur l’âme et le corps humains. Elle jette un œil lucide sur les problèmes des uns et des autres, pas toujours faciles à régler. Il faut parfois choisir, sacrifier l’enfant aux intérêts supérieurs (?) de la mère ou de la famille et le renvoyer au néant d’où il n’est pas encore sorti. On peut faire bon accueil aux étrangers, mais seulement jusqu’à un certain point. On peut vouloir le meilleur pour sa vieille mère mais ne pas vouloir d’elle chez soi. Certaines nouvelles nous serrent le cœur, tant la souffrance s’y lit en filigrane. Elles trouvent écho car elles nous plongent dans des situations approchées ou vécues, soit personnellement soit par personnes interposées, ou encore dans des événements qui nous interpellent au plus sensible, comme ce migrant rescapé du naufrage, comme cette fille aux jambes nues massacrée par des fanatiques qui n’ont rien compris à la vie. Cette nouvelle insupportable apparaît en relief sur le tissu des autres, qui relatent des situations plus « courantes », comme une rupture,  une grossesse à l’adolescence, la maladie, la vieillesse, l’approche de la mort et l’éternelle quête d’amour… qui sauve de tout. Et le bonheur de vivre surgit en contrepoint dans bien des textes.

L’auteur pénètre au cœur de ses personnages et nous ouvre une fenêtre sur leur histoire, raconte avec humour, sensibilité et justesse de ton des moments de vie, avec une sorte de gravité dans la légèreté. Ainsi, François, qui a « perdu sa cédille » en allant vivre en Amérique, « où les cédilles n’ont pas cours sur les claviers », et dont la mère finit par conclure qu’il peut très bien vivre sans « s’appuyer sur une cédille (béquille) pour exister », après tout !

Le livre est passionnant, écrit dans un langage agréable, vif et tranquille à la fois, et les nouvelles se suivent comme les perles d’un collier qu’on découvre une à une avec un intérêt toujours renouvelé. Fort et léger, à lire et à relire… pour le plaisir.

Isabelle Fable