Martine Roland Des amours de soie roman éditions Academia ( collection Noirs desseins, 155 pages, 15 euros, 2023)

Milosz Rafalik est en enfant délaissé et maltraité, régulièrement relégué à la cave.
Il se prend de passion dévorante pour les araignées tégénaires, envisageant de devenir biologiste après son placement dans une famille d’accueil où on laisse sa passion évoluer.
Habitant ensuite le long de la Meuse chez une dame régulièrement absente, il supporte difficilement les insecticides que propage le concierge pour les raisons qu’on devine.
Progressivement il calque ses propres attitudes et réactions sur celles des araignées à qui, régulièrement, il attribue le prénom de « Gertrude ». L’araignée s’avèrera-t-elle utile quand Milosz, jaloux, voudra punir son amant ? Jusqu’où peut-on aller par jalousie alors que des hésitations entre plusieurs personnes dans un triangle amoureux plus que complexe se font jour quand se mêlent également à l’intrigue des questions d’argent et le mensonge ?
Toute l’habileté de la romancière consiste, d’une part, à rendre le processus de métamorphose et, d’autre part, à maintenir des intrigues successives jusqu’à la fin du roman : « Si la tégénaire femelle avait le choix de poursuivre le mâle et de l’attaquer en plongeant derrière sa tête ses chélicères acérées qui le poignarderaient et lui injecteraient le venin fatal, Milosz savait qu’avec Farouk il n’y avait aucun risque. Il lui plaisait trop… ».
La rencontre de Sergio va bouleverser le destin de Milosz lui révélant une troublante personnalité double jusqu’à ce que, conjointement à l’amour, se développe entre eux une connivence artistique mettant en valeur les talents du sculpteur à l’appui de la fragilité de Milosz qui lui servira de modèle à engendrer une sculpture hybride tandis que, par induction, on évoque « Maman », l’araignée que Louise Bourgeois baptisa de ce nom en hommage à sa propre mère, tisserande et restauratrice de tapis.
L’araignée n’est jamais loin à roder également dans la cave d’un mystère local ayant servi de cachette à des enfants juifs pendant la guerre, ce qui donne une brève mais puissante occasion à l’auteure d’évoquer les camps de Buchenwald et d’Auschwitz avec des horreurs auxquelles on n’aurait même pas pensé : « L’image de la proie mutilée qui le renvoyait à ses souffrances passées et à celles des camps de concentration l’indisposait/ … /S’il allait jusqu’au bout de son délire, une victime allait crever dans la jolie villa mosane, sous les yeux et les doigts d’un dangereux psychopathe ».
Avec les « Amours de soie », y aura-t-il place, in fine, pour l’ex enfant martyr, dans l’amour des autres ? Comment ses propres sentiments vont-ils évoluer, notamment par rapport à sa mère tandis que l’enfant lui avoue également avoir assassiné autrefois son père violent ?
Presqu’un roman psychologique à plusieurs vitesses…Mettez- vous dans la toile ! Vous n’entrerez plus dans votre cave de la même façon !

Patrick Devaux