Martine Rouhart Il faut peu de mots éditions du cygne (2022, 48 pages, 10 euros)

L’aube semble trouver la lumière dans les ritournelles et trouvailles poétiques de Martine Rouhart qui nous en distille les rayons avec la subtilité de l’oiseau ajustant son vol : « Il faut peu de mots qui chantent/ pour saisir/un oiseau ou la lumière/en plein vol ».
C’est qu’entre le minuscule et l’infini il y a la fulgurance poétique, vecteur de pensée restant, tel le martinet, en vol presque continu jusqu’à ce que « quelque chose de soi » étoile la page en mots qui, parfois, « nous prennent par la main », une vitalité première parcourant l’ensemble des pages, l’auteure vivant, à présent, intensément après avoir vécu « à côté d’elle » avant la révélation l’ayant rendu écrivaine. Presque « en étrangère » nous dit-elle.
Si elle-même et les oiseaux ne sont toujours pas « à court de secrets », Martine use, en effet, de « peu de mots » les rendant, par ailleurs, essentiels.
S’exercer au texte court demande un cheminement certain, la matière poétique étant travaillée à la manière d’un sculpteur élaguant le doute des choix dans les mots et les idées sans oublier la part involontaire de ce qui n’est pas saisi au vol du moment : « Entre les mots/s’échappe un peu de moi/je pense qu’un peu de moi/m’échappe aussi ». Laisser s’échapper « un peu de soi » laisse la liberté d’en faire quelque chose ultérieurement dans l’œuvre qui, sans nul doute, va se poursuivre.
La notion du bref et du peu, chère à des auteurs comme feu Guillevic ou Anise Koltz donne de l’intensité au moment pris sur le vif et comme l’a dit, mieux que moi, Antoine Emaz dans « Peu importe » (éditions le Dé Bleu) : « Il faudrait pouvoir dire/quelque chose de rien », comme dans ce recueil le « peu » de Martine est offert à en dire plus, voire beaucoup en sachant tenir compte du moment présent : « Il faut peu de mots/ pour découper/chaque jour/dans le temps/un moment précieux ».

Patrick Devaux