Maurice Carême – Sac au dosEd. L’Age d’Homme – 242 pages – 19 €

Maurice Carême a multiplié les sources d’inspiration tout au long de sa vie, faisait feu de tout bois, et il avait développé une façon de tout « penser en poésie » et de l’exprimer tout  naturellement en vers rimés. Ce qui ne l’empêchait pas de travailler longuement ses poèmes. La simplicité se travaille aussi, surtout si l’on veut rimer, ce qui n’est pas nécessairement facile car le risque est grand de tomber dans le pesant ou la rime à tout prix. Les textes de ce nouveau recueil posthume (amenés au jour par la Fondation Maurice Carême) ont été rédigés entre 1968 et 1978, date où la mort a empêché l’auteur de poursuivre son travail d’écriture. Ils sont aujourd’hui exhumés des tiroirs où ils attendaient depuis plus de trente-cinq ans. Long purgatoire…

Sac au dos, voilà donc Maurice reparti sur les chemins de poésie, infatigable voyageur, qui s’asseyait pour contempler calmement, « perdu dans son bonheur », se laisser imprégner, pour ensuite donner corps au rêve et laisser trace ainsi de ses impressions et réflexions éphémères. Ses poèmes sont d’une grande simplicité de ton et de mots, voguant du quotidien le plus habituel aux éternelles questions sur l’avant, sur l’après de la vie et sur ses aléas. Les vers, alignés comme autant de pas sur le chemin, proches du langage de chacun, nous révèlent une poésie tranquille, souvent apaisante, qui nous rappelle la beauté et la fragilité des choses, poésie qui nous réapprend à voir et à aimer… mais aussi à réfléchir.

Et c’est sans doute le grand mérite de cet auteur, nous apprendre à voir et à aimer, en toute simplicité, apprendre le goût du bonheur, qui est souvent plus à notre portée que nous ne le pensons.

Le goût de la liberté aussi, comme en témoigne le poème « La prison », où il proclame :

« Le soleil n’a pas de raison / D’emprisonner jamais personne ».

Il se pose des questions sur l’humanité, prisonnière d’elle-même :

« Car l’homme est un mouton / – Dig don don, dig dondaine -/ Il suit le peloton / Comme le vent le mène ».

Et il néglige facilement, cet homme-mouton qui se laisse emporter par le turbulent « Vingtième siècle », les choses qui lui sont données gratuitement, que seuls les poètes et les enfants remarquent encore :

« C’est à qui ira le plus vite, / Les avions, les trains, les autos… / Pourtant, il est sur les coteaux / tout un peuple de marguerites ».

 

Le ton de certains poèmes est peut-être le meilleur témoin de l’esprit d’enfance que Carême a su garder jusqu’au bout, cet esprit d’enfance, qui ouvre sur le monde.

 

Isabelle Fable