Michel Joiret Stella Maris roman, éditions M.E.O (2022, 176 pages, 18 euros)

Le malheur ramène au souvenir et le souvenir à l’intrigue dans ce roman à l’écriture, reconnaissable entre mille, avec la précision du style propre à Michel Joiret qui, en quelques phrases, sait si bien rendre une ambiance qui, presque toujours, ramène également aux caractères des personnages car l’observateur aigu, l’esprit du conférencier ne sont jamais loin.
Evoquée en bord de mer, dans notre chère ville d’Ostende, l’action retrouve la façon d’évoquer et les paysages des « ripple-marks » si chers à feu Jean Muno, un de nos autres auteurs belges :
« Enivré de senteurs marines, il tend le bras pour toucher l’horizon, redevenu ce jeune promeneur qui rêvait de porter l’eau salée à la bouche pour étancher sa soif ».
Le néo virus a fait des ravages et d’autres masques se sont substitués à ceux évoqués par Ensor.
L’homme de lettres n’est jamais loin à évoquer la connaissance, la grammaire, le monde professoral :
« Nous n’avons guère – guère avec un seul r et un accent grave. De Man, la guerre a une tout autre acception. Le frère Joris pointait un index vengeur sur la feuille lignée. L’heure de la correspondance s’éternisait, bercée par le ronronnement des radiateurs ».
Dévasté par la mort de son épouse victime de la pandémie, Damien trouve refuge à la villa « Stella Maris ». Renouant avec les fantômes du passé, il cherche à comprendre le passé trouble de son père accusé d’avoir tué son dernier amour.
Le frère Marc, son ancien professeur au collège Jean-Baptiste de la Salle va-t-il le mettre sur les traces d’un passé obscur quand sa famille semble avoir subi une malédiction sensée se perpétuer ?
Ostende semble vouloir garder ses mystères : « Damien tend la main vers l’horizon. Mais Ostende, la plate, ne remplit ni sa paume ni ses attentes, et c’est une mesure de ciel qui lui file entre les doigts ».
Le roman, évoquant le passé, fait la part belle à un contexte épistolier qui permet à l’auteur de quasiment doubler le roman en projetant un deuxième écrit dans le contexte global tandis qu’une providentielle sonothèque relate des faits historiques anciens servant à expliquer ultérieurement l’intrigue de la malédiction :
« En novembre 1792, après la bataille de Valmy, les troupes de la Révolution conduites par le général Dumouriez débarquent à Ostende. Le commissaire civil Antoine Aria promulgue le décret dissolvant de facto le régime autrichien, salué par une bonne frange de la population lasse de l’occupation qui dure depuis 1789 ».
Si les masques d’Ensor et ceux du « bal du Rat Mort » se confondent à ceux de la pandémie, l’auteur pose clairement la question de savoir ce qu’il reste des spectres que nous trainons dans nos vies.
Michel Joiret nous fait aimer davantage encore Ostende à travers la petite et la grande Histoire quand une jeune guide se mêle à l’intrigue.
L’ambiance et le style m’ont parfois fait penser à Henri Conscience avec son roman de 1895 « Le coureur des grèves ».

Patrick Devaux