Monique Thomassettie ,L’esprit, éd. Monéveil, collection La lettre enluminée, octobre 2020, 12  €

L’auteur se souvient, avec aussi un certain humour, quand la carafe ancienne révèle une certaine forme d’esprit autant qu’une transparente fragilité.

Invitant les convives de l’esprit, Monique Thomassettie tente d’en effleurer les mailles ; on ne fait pas de l’esprit ce que bon nous semble : « Mais la pensée, qui pallie ou colmate la faille provoquée par le doute, est partielle. Elle doit, au contraire l’ouvrir sur une entièreté qui révélera non plus un néant, mais un désespoir. Le désespoir ne se nie pas ».

Il y a bien sûr toujours cette évidence à vouloir rendre « l’esprit » physique, à vouloir l’appréhender.

En parler c’est déjà défendre sa cause « entre animisme ou amicale et venteuse présence », sorte de souffle accompagnateur. Quant à parler d’un « esprit malade », on lui donne alors fondements humains et « souffrance passive » où les « idées erronées » ont force de vécu vivant, en général, une pause à guérir.

Intéressant en épithètes, le cerveau de l’écrivaine – aussi peintre et c’est important – s’active en énoncés pratiques à sa démonstration.

Persistant, l’humour traduit bien la difficulté à cerner cet esprit baladeur suivant la vie et les circonstances : « Si j’ai fait ici quelques amalgames/ que les anges ne m’en tiennent pas rigueur » dit-elle…

Etrange solitude à chercher ainsi une compagnie aussi peu physique, révélant peut-être une quête d’absolu, sans pourtant se mettre au-dessus des forces inconnues : « Ne pas se croire plus spirituel que l’esprit », l’auteure dosant son tempérament à ne pas rendre excessif le but poursuivi.

Les grands thèmes sont développés à distance respectable. Comme une « Etoile morte qui continue de briller », Monique, à travers moults recueils, poursuit son cheminement. Dans ce recueil, on devine une sorte non d’aboutissement mais une sorte de plaisir d’avoir eu la chance de pouvoir chercher, à l’instar de ceux et celles qui cherchent le Graal.

Des « esprits fâcheux un peu lourds » révèlent parfois la difficulté d’écriture par opposition ou complémentarité à d’autres arts parmi lesquels la peinture : « L’acte de peindre en une seule couche me créait. Matière-Chair/ L’acte d’écrire en mille mots n’arrive pas à me créer. Esprit. Verbe ».

Les idées, parfois datées dans un passé assez lointain, peuvent se faire aphorismes à vouloir (se)surprendre en se référant aux autres moyens d’expression : la musique, la danse : « Un doux saxophone me fait de l’oreille/ – comme on dirait faire de l’œil – ».

Parfois moralisatrice dans le ton, l’auteure se fait bonne conseillère.

Récupérant à bon escient ses facultés de dessinatrice ou de peintre au bon moment, Monique met selon l’évolution du recueil, l’échelle au bon endroit pour y progresser vers l’inaccessible étoile.

C’est la quête qui compte, « quelles que soient les ondes/ qui touchent et saisissent le corps ».

Sublimant « l’esprit intègre » à l’instar de quelques mots de l’incroyable Picabia, c’est sans doute l’esprit qui convient le mieux à Monique, personne interchangeable avec peut-être l’ange qui l’habite de façon à ce que ce soit lui qui se pose les questions ou se satisfasse de réponses suffisantes pour avoir…  « l’esprit tranquille » ressenti au plus profond d’un « Mandala » dont l’auteur peut-être devine la divine intention.

Patrick Devaux