Montaha Gharib, Mirages dans ma valise,  poèmes, éditions Bleu d’encre, préface de Claude Donnay (2023,129 pages, 14 euros)

Montaha Gharib, poétesse libanaise, partage ses lieux de vie entre les Etats-Unis et son pays natal. Elle avait déjà offert aux Editions Bleu d’encre trois recueils passionnés, tourmentés et sensuels, longeant souvent la fragile ligne de crête entre désespoir et espoir.
Elle propose ici des textes poignants et engagés qui crient l’amour farouche pour son pays d’origine, profondément blessé.
L’on ne peut être insensible à sa révolte, à sa souffrance et à ses déchirements.
« Au bord de ma vie/Je vois mes désirs avortés/Dans un tombeau de regrets ». « Le bonheur n’est qu’illusion/Clin d’œil d’un vent moqueur ».
Un souffle puissant parcourt les pages et secoue les consciences.
L’auteure dénonce le calvaire de Beyrouth « éventrée », anéantie à cause de « la succession ininterrompue de leurs corruptions », « Chaque jour est une descente aux enfers ».
Elle dévoile l’extrême dénuement de son peuple. « Dormir tôt est fortement conseillé/Pour ne pas avoir faim ». « Cherche du ravitaillement/Main dans la main avec ta femme (…) Et quand ton tour est arrivé/L’employé t’a renvoyé/D’un revers de la main/Tu es au Liban, l’as-tu oublié ? ».
Même la mer, « innocente », ne peut répondre aux injustices et aux douleurs. Baignant de soleil et de bleu « leurs piscines et restaurants, leurs yachts privés, toutes ces fortunes volées à des bouches affamées », elle a englouti tant de naufragés en quête d’un refuge …
Mais la volonté de vivre habite la poète, une volonté pressante, urgente. L’amour – même avec ses désillusions- et la beauté , « Le printemps vient de naître/Ce n’est pas le temps de disparaître », ravivent chez elle la flamme de l’espoir.
En perpétuel voyage entre deux pays, elle témoigne, par la force des choses, d’une conscience accrue d’appartenance au Monde. « Nulle frontière, nulle barrière n’entrave mon envol, le monde est ma patrie, le continent mon identité perdue ».« Jamais je ne défais ma valise, je vais où mon cœur me conduit », « Tu es souveraine de ta vie et voyager est ta seule issue pour franchir le désert de tes nuits ».
Et puis, évidemment, il y a l’écriture. Salvatrice, qui panse les blessures, éclabousse ceux qui sont la cause de son chagrin. « Je prends mon stylo/Dépose mes mots/Réconfortants, rassurants/Pour tous les absents ».
L’on se console de penser que Montaha Gharib, malgré sa tristesse, trouve en elle les sources de nouveaux élans.

Martine Rouhart