Nicolas Marchal, Les faux Simenon, Weyrich, 2019

Nicolas Marchal n’en est pas à son coup d’essai. Parlerons-nous pour autant de coup de maître? Pas tout à fait, mais presque. En tout cas un roman policier, ou roman d’aventures – car on y trouve les deux. Un roman  débordant de vie. On n’y est pas loin  du roman noir: sombres tunnels , quartiers chauds (les deux à Liège) – roman liégeois donc, policier liégeois, ce qui nourrira les réserves  de chercheurs ou collectionneurs en la matière, et ils sont nombreux. Roman d’atmosphère? Oui et non, car l’auteur a su répandre habilement le doute, les sosies n’y manquent pas, ils ont même leur fête  et dans le temps aussi, on voyage entre la jeunesse de Simenon, la belle époque du Standard de Liège, celle de Gerets, par exemple. Il y a bien entendu un bouquiniste.. Du suspense aussi, bien sûr: le héros, Serge, est-il déjà sorti du dédale des égouts? Il me semble qu’on l’entend encore patauger. Il nous promène d’une rive à l’autre, des escaliers de Duren, d’où Charles le Téméraire vient tout juste de déguerpir, entraînant à sa suite l’universelle aragne, et croisant un Noir athlétique qui fait son jogging, et puis Outre-Meuse, où la procession va bientôt sortir. Et puis, l’héroïne, portugaise, vous fera immanquablement craquer…

Et le style? Vivant, affriolant, endiablé même, si bien que l’on a parfois de la peine à le suivre, mais ça suit, ça suit, au rythme d’une charge de cavalerie, ne vous en faites pas, on suit toujours…un style varié, éblouissant, étourdissant…Il en vient même à créer des figures de style que Gérard Genette lui-même n’avait pas encore répertoriées: ainsi quand il vous lâche en enfilade des adjectifs possessifs qui ont largué leur substantif, sans même le remplacer par les trois petits points coquins. C’est l’auberge espagnole, vous pourrez y loger à l’envi lobes et seins, épaules, rondeurs et sexes et tout le reste itou, y compris ce que ma mère. .L’art de tout suggérer en montrant peu. Descriptions de magasins, de bouquineries, voyages dans le temps,on ne sait trop parfois si l’on est chez Dickens ou Simenon..Des personnages typés à la balzacienne. Des joueurs de foot et des supporters qui feraient. pâlir de jalousie un journaliste sportif. D’ailleurs, en fin de compte, la solution, c’est Goethals qui l’a trouvée.

On attend le suivant avec curiosité. Va-t-il ralentir? Aller plus loin? Célébrer Agatha Christie, ou bien Pardaillan? En ce qui me concerne, je risquerais plutôt mes derniers sous sur Fantômas. Et pourquoi pas Un meurtre au Trianon? Avec Tchantchès et Nanèsse comme témoins oculaires? Ou quai de la Batte; Le chaland sans tête? La carrière est ouverte…et il trouvera bien sans moi.

Joseph Bodson