LECTURE DE DAGONNIER : TROP DE CLINS D’OEIL A L’AIR DU TEMPS

Un petit compact des éditions maelström, rehaussé d’un dessin en rouge, bistre et noir d’Yves Budin. Un jeune auteur, qui se met délibérément du côté des influences anglo-saxonnes (Kerouac et d’autres), propose des flashes de voyages « à toutes blindes » dirait le grand Jack, du côté de Berlin, Montréal, pour en retenir surtout des chromos aptes à appâter un jeune public, à force d’user du franglais, des tics à la mode, de l’argot de film (aprèm…) et des stylistiques d’aujourd’hui déjà démodées (pourquoi grands dieux s’amuser à décliner des listes anaphoriques comme tant l’ont fait avant lui?), des listes, des & en série pour faire mieux que notre conjonction etc. Pourtant, il y a là, promesse des 24 ans de l’auteur, un rythme, des métaphores ‘ »la poésie est la seule monnaie qu’il me reste quand mes poches sont à sec », un sens de la musique. Parce que, dans l’état, c’est souvent brouillon, tape-à-l’oeil (un petite rincée de « beat », une petite cuiller de « Berlin » déjanté…) et une langue composite (mi-anglais-français-italien) qui baragouine…Et pourtant, il y a une atmosphère – qui ne doit rien, je vous assure aux tics précités! -, exemple, cette nuit blanche qui se termine et qui nous vaut un beau poème, simple, sobre, non entaché d’anglicismes de bazar:

p.15

tout recommence :

un bus roule en baillant.

Quelqu’un attend seul sur un quai

un train qui n’arrive pas,

les lumières du jour s’étendent,

prétendent, percent la bruine nocturne

d’un réveil bleu gris

pendant qu’une vieille dame tire les volets

qu’un mari fait son café

qu’un gosse lace ses souliers…

Hier croise demain

croise aujourd’hui

à une heure impossible les paupières se font lourdes

l’estomac plein & les coeurs légers.

Philippe LEUCKX

 

Paolo DAGONNIER, &The Beat Goes On!, maelström, 2015, 68p., 8€.