Paolo Golinelli, Mathilde de Canossa, sa vie et sa mémoire à Orval, , Weyrich, 2017, 18 €, 224 pages.

 

Chaque bouteille d’Orval conte la source dans laquelle une truite rapporta miraculeusement à la comtesse Mathilde l’anneau nuptial qu’elle avait perdu. Belle légende ? Oui. Pourtant chaque visiteur de l’abbaye peut encore côtoyer la fontaine et toucher les pierres millénaires qui l’entourent… Alors, mythe ou réalité ?
Le grand médiéviste Paolo Golinelli a consacré plusieurs dizaines d’années à reconstituer la biographie d’une femme qui fut, aux temps de la première croisade, un véritable trait d’union entre le monde germanique et le monde latin : Mathilde de Canossa. Née en Italie, parente d’Ide d’Ardenne, épouse de Godefroid le Bossu (qu’elle quitta tant il était affreux), vassale de l’empereur Henri IV, elle parlait l’allemand, le français, le latin et… l’italien vulgaire. Sa vie mouvementée passa par Mantoue, Florence, Rome, Lucques, Pise, Modène, Canossa (évidemment), Verdun, Bouillon, l’Allemagne… Elle posséda de nombreux territoires en Toscane et en Lorraine et contribua à l’édification de plusieurs abbayes. Elle connut plusieurs papes et les soutint, à la tête de son armée, contre un empereur, des évêques et… des antipapes. Si d’aucuns l’accusèrent d’avoir été la maîtresse du pape Grégoire VII, il est certain qu’elle céda tous ses territoires au Vatican, ce qui lui valut d’être inhumée dans la cathédrale Saint-Pierre (rare pour une femme).
L’ouvrage édité par Weyrich est superbement illustré et nous livre les nombreuses œuvres d’art évoquant Mathilde. Notamment le bas-relief du mausolée qui reproduit la célèbre scène du pardon octroyé à Canossa par le pape Grégoire VII à l’empereur Henri IV excommunié. L’expression « aller à Canossa » est encore utilisée de nos jours par ceux qui acceptent de s’humilier pour obtenir un pardon.
Le nombre de documents (véridiques ou présumés faux) qui subsistent de ce 11ème siècle est finalement étonnant et nous sommes gré à Paolo Golinelli (et à son excellent traducteur Hugues Rogier) d’y mettre un peu d’ordre et de nous faire découvrir tout un pan de notre Histoire européenne et wallonne. À lire sans modération, jubilations garanties.

Philippe Bailly, troubadour de Bouillon