Pascal Weber La trahison des limaces, éditions Cactus Inébranlable (86 pages, 10 euros, 2022)

Avec sa façon de faire, Pascal Weber agit, dans ses aphorismes, à la lettre ou à la nuance près : « Avant, on avait des commerces à remettre, et maintenant on a des commerces à vomir », activant régulièrement des doubles sens.
Jouant à la fois sur les apparences et sur les idées parfois multiples dans le même aphorisme, l’auteur le fortifie : « Il a fait relier ses quelques radiographies, il possède désormais un livre squelettique ».
A mon sens il donne toutefois priorité au surréalisme, ce qui lui donne un côté rétro de bon aloi tandis que tout y passe entre problèmes de société actuels ou allusions à la peinture, à la Grande Histoire, Dieu ou le mot lui-même avec aussi quelquefois une sorte d’émerveillement infantile : « cette fille enceinte se demande si son enfant sera un garçon ou une fée ».
Il faut parfois se rappeler quelques références culturelles pour en comprendre le clin d’œil : « El Condor passa me faire coucou ». Faut-il pour autant « lire son (mon) règlement de désordre intérieur » ? Non, car les phrases sont agencées très correctement.
L’aphoriste surréaliste active autant de sensibilités qu’il pense connaître son lecteur. Il faut dire qu’en général un amateur d’aphorismes ne se sent que très rarement « perdu dans la salle des pas ».
Comme l’auteur est touche à tout, pour Pascal Weber, « l’aphorisme demeure sa (ma) couleur préférée ».
Souvent profond, il peut avoir d’amers constats quand il dénonce que « L’humanité ressemble à une erreur médicale », semblant avoir cette touche d’éthique qu’on ne retrouve pas toujours chez les aphoristes. Ne dit-il pas qu’« il faut rire proprement » ? S’il ne lave pas plus blanc pour autant, il évite les allusions faciles tandis que, pour lui, « écrire c’est surprendre ».
Être aphoriste sans forcer le trait facile, en restant très compréhensible avec tous les dosages requis, y compris avec l’équilibre entre les genres, suggérant discrètement un « Bob Morane et Bobette », relève du grand art.

Patrick Devaux