Philippe Cantraine, Haïkus, Caractères, 2014, 86 pp., 9,50 €

haï-kuPhilippe Cantraine a des talents très divers: poète, romancier, essayiste. Mais ici, dans ce mince recueil, c’est, me semble-t-il, une véritable quintessence de sa pensée qu’il nous communique. Une poésie très philosophique, dans lequel, par exemple, avec cet éloge du plus-que-parfait, temps plein, et même débordant, dans la Stèle initiale, il condamne tous nos mésusages du temps.

La juste voie est ascèse, nous dit-il, p.8, et il est vrai que, pour ce grand voyageur, la notion même de mouvement est très importante. Mais ce mouvement s’accompagne d’une sorte de cantonnement, de repli sur soi, sensible déjà dans le texte de Schlegel qui lui sert d’épigraphe,…à l’égal d’une brève œuvre d’art, être isolé de tout l’univers qui l’environne, parfait en soi-même comme un hérisson.

L’écriture, ici, est sobre et ramassée, comme le demande le genre, mais combien évocatrice. Pas un mot de trop, une grande économie de moyens, et pourtant, en trois vers, tout est dit, ainsi p.21, sur l’enfance:

Un fond de ruisseau./Toute mon enfance en allée/Sous les pieds des saules.

Ou encore, p.23, avec L’arbre nu, une image dépouillée, aux traits réduits à l’essentiel:  Un chemin qui part. Une silhouette vue. Un arbre et la plaine.

Une grande érudition, mais qui n’est jamais recherchée pour elle-même. Il s’agit de connaître davantage pour aimer davantage. Ainsi, dans Utopie, p.28: Chaque continent/Respire. Partout la terre/Conçoit l’amitié. Plutôt qu’un livre de savant, de lettré, c’est tout un trousseau de clés qui ouvrent les portes de la vie. Et les mauvais chemins eux-mêmes ont leur rôle à jouer (p.29). Aux pages 39 et 40, nous trouvons une véritable synthèse de la destinée, tandis que la page 54 fait songer à François Cheng et à la peinture chinoise, tout empreinte de spiritualité. Avec, à la fin, l’évocation de la vieillesse et de la mort: Partir à jamais/Déporte le cœur vers soi/Tout rentre dans l’ombre.

Le voyageur et son ombre…De quoi méditer longtemps, sur le peu que nous sommes, et le plein que sans cesse nous effleurons.

Joseph Bodson