Philippe Colmant Tectonique du temps Editions Le Coudrier illustr. de l’auteur, préface de Jean-Michel Aubevert (100 pages, 2023, 20 euros)

A mi-course d’un ressenti général, Philippe n’a sans doute jamais « perdu de temps » : « Pour être descendu/Dans le gouffre des rides/Et pour avoir touché/Du doigt le froid du marbre/Je ne perds plus de temps/La mort ne fait pas grâce:/Tout au plus sursoit-elle ».
Subsiste le mystère de l’énoncé sans véritable résolution tandis que « Nul ne sait quelle clé/Remonte la pendule », le poète oscillant entre curiosité et soumission, surtout préoccupé à vouloir sauver comme on peut « la part de rêve en soi ».
On rejoint parfois ici l’« Oublieuse mémoire » chère à Supervielle tandis que c’est surtout la condition humaine qui se fait jour à vouloir transcender la solitude de nos incompréhensions à rappeler « ce délicieux désastre ».
Le temps, révélé dans sa fragilité biologique et son étendue cosmologique à travers les illustrations de l’auteur, également plasticien de ses mots, semble davantage présent comme un constat utile à agir qu’en tant que préoccupation existentielle. Il est utile à se rendre compte du moment présent évoquant des « prénoms sans visage » et des « horloges sans aiguilles », la progressivité semblant abolie au profit d’une expansion majeure n’ayant ni début, ni fin tandis que les émotions personnelles sont rendues avec pudeur et luminosité : « Dix minutes de plus/ Pour se faire à l’idée/ Retenir la lumière/Une dernière fois/ Caresser ton visage/ Avec des yeux d’enfant ».
« En attendant, vivons ! » nous dit l’auteur. « Vivons à pleine bouche/les mots de l’existence/Comptons les caténaires/De cette voie ferrée/Où passe l’omnibus/Des peines et des joies », ce qui me fait penser à cette belle formule qu’eut un jour, lors d’une interview, Philippe Noiret : « Le voyage est court ; autant le faire en première classe ! ».
Et si c’était ça la poésie ? « Torréfier le temps » et en savourer, grain à grain, le moindre breuvage ?

Patrick Devaux