Philippe Leuckx, D’obscures rumeurs, poèmes, éd. Petra.

Un ton légèrement, très légèrement, différent des autres recueils de Philippe. Plus discret, s’il se peut, plus allusif, ce qui transparaît déjà dans le titre des différentes parties: Rues du monde, Ces cordes obscures, Petites rumeurs le soir, Mains et maisons.

Comme si le poète était là, dans le soir qui tombe, attentif, à un carrefour, non au vaste spectacle du soleil couchant, comme dans un tableau de Claude Lorrain, mais comme l’un de ces bergers silencieux, personnages de Poussin qui semblent  intégrés dans le paysage, partie prenante. Comme si ces oreilles attentives allaient entendre, et nous divulguer ce message ultime qui parcourt la nature tout entière, de proche en proche, et que l’habitude du bruit nous empêche d’entendre.

Octobre

La saison glisse ses voiles ses feuilles cet air presque enjoué à vous bercer d’illusions/Mais c’est une caresse de vent trompeur une espèce de leurre qui sauve des murs et ne répond de rien/Il vous faudra de la vigilance de l’espoir pour ne pas fondre sous ces beaux atours/Il vous faudra vivre/A la juste mesure/A l’aune de votre amour

ou bien encore, p.39: Il recoud son visage/Face au miroir sans fin/A grands coups de rides/De barbe/Il porte sa solitude/Comme un gant/Et il lui tarde de partir/Affronter l’immense/Fraternité de l’air.

Il y a là comme une petite note d’incertitude et d’errance, celle qui fait frémir les personnages d’André Dhôtel, perdus dans l’obscure rumeur du soir, sous l’appel d’un ailleurs mal déterminé encore. Symbolisme du train, gare de Voncq…

La rumeur, serait-ce celle de l’éloignement, du temps qui court? Las, le temps non, mais nous nous en allons…

Joseph Bodson