Philippe Leuckx, Prendre mot, poèmes, éd. Danco-Pinchart, 2021,44 p., 13 €.

De Philippe Leuckx, nous connaissions la part solaire, l’appétit de vivre, la vie offerte, la main ouverte à tous, et le goût des beaux noms, des voyages des paysages. C’est un autre Philippe que nous rencontrons ici, plus profond, plus intériorisé, mûri par les épreuves. Non point sombre, ou pessimiste, mais mûri par les épreuves, et ramenant avec lui, des profondeurs de son être, d’autres expériences, différentes, pénibles parfois, plus plénières toujours.

Ecoutons-le donc:

Tout au fond du jour, dans le puits ébloui des pensées sereines et obscures,, quand il faut croire  que la lumière peut encore jeter un peu d’elle sur les murs et les rumeurs autour, et qu’un peu de vent tourne  comme égaré par la saison, et le temps inabouti juste avant le soir.

Si nous jouons au grammairien, un complément de lieu/temps, et une subordonnée temporelle plantée là, comme à l’entrée d’un camp; un décor à la fois sobre et précis, et déjà ce grand besoin de la profondeur. Le bruit et la lueur, et la folie même, et le sentiment d’une obligation, d’un inachèvement grave, au moment où vont régner les angoisses et les rêves prémonitoires. (p.5)

Retour à l’enfance, aussi, puits et source à la fois, et refus du narcissisme, p.12:

L’enfance/ ce puits sans tain / où puiser / quelque transparence.

avec ce besoin de clarté et de vraie connaissance. Car seules les choses simples sont vraies, et les ombres qui sont nôtres nous empêchent seules d’y atteindre.

La lumière remue le coeur / La mémoire a besoin d’air. / Il faut sans cesse marcher / pour s’éprouver vivant. / Le reste vient de soi.

Que dire encore, sinon comme il le veut, le prendre au mot? (p.20):

Prendre mot /comme prendre racine / ou la route / se déprendre des certitudes / faire de soi / un chemin / de doute.

Et cette solitude, omniprésente, et qui revient, p.25, p.26.

Il lui faut encore, peut-être, l’apprentissage d’une certaine lenteur, pour mieux vivre ici. Mais ce grand garçon a encore bien des choses à apprendre, et à nous apprendre.

et qu’un enfant vienne / avec ses beaux yeux du destin /  il reste qu’il fait froid / dans la lumière des chambres. (p.27)

Cet autre moi, ce moi-enfant, qui doit encore ouvrir la porte.

Joseph Bodson