Philippe Mathy, Etreintes mystérieuses, L’Ail des ours n°5, illustrations de Sabine Lavaux-Michaëlis, 6 euros

 

Du matin au soir, d’une saison à l’autre, du jardin aux vallons, à la rivière, entre pluie et rayon de soleil, Philippe Mathy se promène en poète. Et à son tour, dans une très belle prose qui suggère parfois plus qu’elle ne dit, il promène ses lecteurs en les mettant en présence de ce qui le touche.

Attentif à toutes les choses rencontrées, il écoute, observe presque sans le vouloir, mais en profonde empathie, ce qui surgit autour de lui et aussi, en lui. Car chaque appel discret de la nature, stylisé, fait écho à un état d’âme du moment, à un souvenir émergé, à une fragile espérance. A moins que ce ne soit cet état d’âme qui lui fait percevoir le monde sous certaines couleurs…

Certains jours, le jardin est une maison de pluie. Les fleurs s’inclinent jusqu’à tomber sur la pelouse.  On est debout derrière la vitre ; on regarde l’eau enlacer toutes choses, le ruisseau, agité de soubresauts. On se tait. On cherche en soi un peu de soleil, le fil d’une lumière pour accepter le fil de l’eau. 

On suit le regard intérieur du rêveur et l’émotion que creusent en lui ces « étreintes mystérieuses ». On voit dans ses mots ce que la rêverie et les pensées ont ajouté à la simple observation.

(…) Quelques fleurs têtues. Elles se hissent à la surface de l’herbe froide ; elles veulent croire au printemps.  Un souffle frémit sur le jardin. Il est doux comme l’haleine de l’aimée lorsqu’elle se glisse au creux de notre cou. Le temps se délie. On s’étonne de mille petits riens, heureux de s’étonner encore.

« Etreintes mystérieuses » est suivi de « Au bord de l’encre » , l’eau trouble des mots qui passe et fuit, si difficile à capter.

Guetteur sans but, le poète, (…) recueille un peu de cette eau trouble sur une feuille. Que de travail, de patience, pour qu’elle se clarifie, réapprenne la transparence.

Le recueil est enrichi des belles œuvres de Sabine Lavaux-Michaëlis, dont les couleurs vibrent à l’unisson des mots.

 

Martine Rouhart