Pierre Coran, Fables of Town & Country. Fables des Villes et des champs,éd. Black Widow Press, 196 pages, 24 $.

Une sacrée reconnaissance pour un poète, que cette édition bilingue français/anglais à Boston ! Les publications d’auteurs belges aux USA ne doivent pas être foison, alors un poète… c’est d’autant plus remarquable. Il se voit qualifié par l’éditeur de acclaimed Belgian « children’s poet ».
Poète des enfants, mais pas seulement. On plonge avec plaisir dans le monde enchanté de Pierre Coran, qui fait parler les bêtes aussi bien (mieux ?) que les hommes et, dans un langage simple et bon enfant, nous mène d’anecdotes en historiettes sur le chemin de la sagesse. On pense bien sûr à Jean de la Fontaine, qui connaissait si bien l’âme humaine, on pense à Ésope… Une fable comporte un propos de réflexion, de leçon de vie mais un fabuliste n’est pas nécessairement un moraliste. Il ouvre des portes, met en scène des situations et, de faits parfois insignifiants, tire des réflexions originales à propos de ce qui motive les conduites humaines/animales. Les protagonistes sont souvent amenés à changer d’opinion, d’attitude ou de vie suite à un événement. Tel ce caméléon qui, séduit par la voix de la mouche soprano, ne lui tire pas la langue (!) ou ce chien abandonné, recueilli en refuge, qui devient chien d’aveugle. Pas mal d’amour dans ces petits textes, et de l’humour en filigrane, tel l’ânon contraint de porter un bonnet d’homme.
Donner la parole aux bêtes pour ouvrir les yeux des hommes sur le sort du monde, avec des mots rythmés, rimés ou non, des jeux de mots. Et toujours le souci de l’enseignement, diffusant l’orthographe sans avoir l’air d’y toucher (J’en ai marre de cette mare, coasse le crapaud) et distillant des mots compliqués, qu’il faudra expliquer aux enfants.
Norman R. Shapiro, un habitué des fables – il a traduit Jean de la Fontaine et le recueil Fables à l’air du temps de Pierre Coran – offre une traduction libre car la traduction littérale d’un poème est impossible. C’est un plaisir de picorer de-ci de-là, de sauter du français à l’anglais et de s’attarder sur les belles illustrations d’Olga Pastuchiv, souvent réalistes, avec parfois une certaine fantaisie, ainsi qu’il se doit dans un recueil où les animaux sont rois – ce qui n’est hélas pas le cas dans notre monde humain, où ils sont sur(exploités) sans vergogne.
Le monde des fables ne m’est pas étranger. Mon album Quelques fables d’Isabelle Fable (éditions Les Contes CAVA), illustré par Micheline Peeren, est peut-être encore disponible ? Quoique j’en doute. Mais c’est un beau souvenir.
Pour terminer, le petit poème où Pierre Coran nous confie, d’entrée de jeu, en guise de préambule :
Quand je vais à la ville / A dos de crocodile, / Quand je me rends aux champs / Sur mon tapis volant, / Un flot de mots s’allume / À l’encre de ma plume / Et me métamorphose / Par la force des choses, / Et sur fond de morale, / En animal.
L’homme en empathie avec ses frères dits inférieurs… Utopie ?

Isabelle Fable