Pierre Sladden – Lignes de terre – l’Harmattan – 69 pages – 10,50 €

Lignes de terre… Un titre qui peut se comprendre de bien des façons et qui ouvre la porte à l’imagination. Partant du monde présent, vivant, visible et concret, qu’il chante à merveille, l’auteur pose les questions existentielles qui troublent qui veut réfléchir au sens de la vie. Il le fait avec une sobriété remarquable, naviguant sur les mots, sans sombrer ni dans l’épanchement lyrique ni dans la sécheresse intellectuelle.

Finir comme l’arbre / En braise, en moisissure / Retourner à la vie de la terre / Ou chaleur s’en émaner / Quelle importance / C’est le hasard qui joue / De l’horizon éloigné à l’immédiate présence

On ne peut mieux dire. En équilibre sur la crête des mots, le poète leur donne rythme, musique et sens, évitant les écueils des verbiages oiseux et des images trop connues, pour mener le lecteur au-delà de lui-même, lui ouvrir les yeux et le cœur sur ce monde magnifique et pourtant voué à la disparition, comme nous-mêmes.

Mortel dans des milliards d’années / De feu aujourd’hui / Rouge le soleil se couche / À nos yeux dans le noir / Des arbres vivants portant haut, éperdument / Un instant qui vibre / À l’approche de notre nuit éternelle

Tout est vibration de l’instant, force et fragilité mêlées, tout est à voir, écouter, savourer. La nature s’offre à nous. Sachons la recevoir et la protéger.

            L’esprit tourmenté / Heureusement ce fortuit papillon blanc / Me frôlant la tempe

Toujours, l’ombre est trouée de lumière. Il faut apprendre à regarder / Suivre immobile du regard / Sur le fil de l’araignée un éclat de soleil / Balancé d’un souffle imperceptible…           

Un rien. Un tout.

Se laisser porter, balancer par ce Tout en Un qui plane sur les textes de Pierre Sladden, admirer à travers ses mots l’admirable univers qui nous est donné, d’autant plus admirable qu’il est éphémère, et prendre conscience qu’il nous est confié… en partage. Et non en propriété.

 

Trop souvent, la poésie est maladroite, étriquée dans des mots mal ajustés, qui grincent ou s’affaissent en tous sens. Ici, non. Nous avons affaire à un vrai poète, qui allie force et délicatesse, rigueur de la composition sans aucune raideur, bouquet léger, où chaque mot a son poids et fait mouche, offrant à la fois émotion et réflexion.

Isabelle Fable