Pierre Yerlès, Pavane pour une samouraï défunte, éditionjs bleu d’encre, 2025, 68 pages, 15 euros

Il n’est pas aisé d’écrire une chronique sur un livre dont la longue préface (celle de Myriam Watthee- Delmotte) analyse d’une manière si approfondie et avec tant de finesse tous les tenants et aboutissants.
Il n’empêche, il reste de ce livre sans compromissions une sensation très forte.

Suite de poèmes ou prose poétique, qu’importe la qualification, c’est de la poésie. De la poésie narrative, qui raconte en 25 textes l’histoire et la fin (par la mort, « volontaire/autoritaire/comme dernière leçon » que s’est donnée la compagne) d’un amour passionnel de 33 années.
L’histoire d’une marche « du même pas/bras dessus bras dessous » « qui nous mena/au fil des ans » jusqu’au moment où « ton inflexibilité/et mon inconscience/ont creusé le fossé/où sombra/pour l’éternité/notre marche ensemble ».

Lignes après lignes on suit, « dans un aller-retour permanent », le destin de cet amour dévorant, déchirant, déchiré, qui a laissé, laisse le narrateur « désemparé/ par toi dépouillé de toute certitude/paralysé/perdu comme en eau profonde ».
Il se remémore les orages et luttes incessantes, parfois pour des riens, car « un mot seulement/si souvent/ fut l’anomalie/du quotidien/la brèche/dans laquelle s’engouffra/notre besoin/de querelle ». Si le narrateur dit ses reproches, il ne tait pas non plus ses propres manquements, son remords pour « ses mensonges/ policés/ haïssables/ pour toi».
« toi la rebelle/t’es transformée/en étrange geôlière/et prisonnière/à la fois/ enserrant/dans de doubles liens/tes rêves/ autant que les miens ».

Le narrateur s’adresse à la désormais absente dont il entend la voix « depuis les terres froides », lui crie dans un même souffle son amour et son « souvenir de désamour », sa souffrance d’alors et celle de maintenant.

Jusqu’à l’effort ultime d’une tentative d’oubli et d’un certain apaisement : en défaisant « le fil faufilé/brodé/par les aiguilles de la mémoire (…)/ en prenant bien soin de ne pas effacer/le palimpseste/ que laissent/dans le tapis/ les piqûres microscopiques/ permettant de ressusciter/ fantomatiques/ des images bénéfiques/ douces et veloutées »

Martine Rouhart